La confrontation ouverte entre Israël et l’Iran, deux acteurs clés du Moyen-Orient, aurait sans aucun doute des répercussions bien au-delà de leur région immédiate.
Le Maghreb, y compris la Tunisie, bien que géographiquement éloigné, ne serait pas à l’abri des conséquences d’un tel conflit.
Les répercussions politiques, économiques et sécuritaires d’une confrontation Israël-Iran se feraient sentir dans toute la région, affectant divers domaines, notamment les marchés de l’énergie, la stabilité politique et la cohésion sociale.
Répercussion 1 : Perturbations des marchés de l’énergie et chocs économiques
L’un des impacts immédiats d’un conflit entre Israël et l’Iran se ferait sentir sur les marchés mondiaux de l’énergie. L’Iran, en tant que grand producteur de pétrole, se trouve près des routes d’approvisionnement critiques, notamment le détroit d’Ormuz. Toute confrontation militaire pourrait perturber l’acheminement du pétrole, faisant grimper les prix de l’énergie à l’échelle mondiale.
Pour le Maghreb, et la Tunisie en particulier, les conséquences seraient considérables.
La Tunisie dépend fortement des importations d’énergie, notamment des produits pétroliers, pour satisfaire ses besoins énergétiques. Une forte hausse des prix du pétrole aggraverait les défis économiques déjà présents, notamment l’inflation et les déficits commerciaux, détériorant encore davantage la balance courante du pays. Cela pourrait entraîner une augmentation des prix du carburant, des coûts accrus pour les entreprises, et une pression financière accrue sur les consommateurs, provoquant un mécontentement social.
Répercussion 2 : Réalignements géopolitiques et préoccupations sécuritaires
Un conflit entre Israël et l’Iran pourrait entraîner d’importants réalignements géopolitiques dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Plusieurs pays, notamment les États du Golfe, ont normalisé leurs relations avec Israël dans le cadre des « Accords d’Abraham« . Le Maghreb, cependant, entretient une relation plus complexe avec Israël et l’Iran. Le Maroc, par exemple, a normalisé ses liens avec Israël, tandis que l’Algérie reste l’un des soutiens les plus fermes de la cause palestinienne.
En Tunisie, un pays qui a traditionnellement soutenu la cause palestinienne, une confrontation entre Israël et l’Iran pourrait créer des divisions politiques. D’une part, il y aurait une pression populaire pour s’aligner sur le consensus arabe et islamique en faveur de la Palestine. D’autre part, le gouvernement tunisien, confronté à des difficultés économiques, pourrait être prudent pour ne pas s’aliéner des acteurs mondiaux puissants, notamment les États-Unis et l’Union européenne, qui soutiennent Israël.
Le conflit pourrait également exacerber les défis sécuritaires déjà existants dans le Maghreb. La Tunisie, qui lutte contre le terrorisme et l’instabilité en Libye voisine, pourrait voir une résurgence des groupes extrémistes qui chercheraient à exploiter les tensions régionales accrues. La présence de milices soutenues par l’Iran dans d’autres parties du monde arabe pourrait également étendre leur influence en profitant des vulnérabilités des pays d’Afrique du Nord.
Répercussion 3 : Conséquences socio-politiques et sentiment public
Le sentiment public en Tunisie et dans tout le Maghreb serait fortement influencé par la narration d’une lutte entre Israël et un État islamique comme l’Iran.
La question des droits palestiniens reste profondément ancrée dans la conscience politique de la région. Un conflit serait susceptible de raviver le discours public sur les politiques israéliennes et pourrait conduire à des manifestations de masse, déstabilisant potentiellement les environnements politiques fragiles.
Pour la Tunisie, qui traverse une période d’incertitude politique et économique, le gouvernement pourrait faire face à une pression accrue de la part de diverses factions politiques, en particulier des groupes islamistes, pour adopter une position ferme contre Israël. Cela pourrait entraîner une polarisation politique, compliquant la gouvernance et la prise de décisions.
Répercussion 4 : Impact sur les échanges commerciaux et les flux d’investissements
Les liens économiques entre le Maghreb et le Moyen-Orient sont significatifs. Israël et l’Iran sont des acteurs importants des réseaux commerciaux régionaux. Toute perturbation dans ce domaine pourrait avoir des conséquences sur les échanges commerciaux de la Tunisie.
Par exemple, une volatilité accrue sur les marchés du Moyen-Orient pourrait réduire les flux d’investissements directs étrangers (IDE) vers la région, en particulier en provenance des pays du Golfe proches d’Israël.
De plus, des perturbations dans les routes commerciales ou une réallocation des ressources en réponse à un conflit potentiel pourraient nuire aux exportations tunisiennes, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la fabrication. Cela surviendrait à un moment où l’économie tunisienne est déjà confrontée à une faible croissance, à un taux de chômage élevé et à des déséquilibres fiscaux.
Répercussion 5 : Rôle des puissances mondiales et dilemmes diplomatiques
La réponse mondiale à un conflit Israël-Iran façonnerait également son impact sur le Maghreb. Les États-Unis et l’Union européenne, alliés clés d’Israël, pourraient faire pression sur les pays d’Afrique du Nord pour qu’ils adoptent des politiques alignées sur leurs intérêts stratégiques.
Parallèlement, la Russie et la Chine, qui entretiennent des liens étroits avec l’Iran, pourraient influencer les États d’Afrique du Nord à maintenir une position plus neutre ou favorable à l’Iran.
La Tunisie, souveraine mais ayant besoin de l’aide étrangère et des partenariats extérieurs, ferait face à un dilemme diplomatique en équilibrant ces pressions concurrentes.
Le gouvernement tunisien, pris entre les puissances régionales et mondiales concurrentes, devrait naviguer avec soin dans sa politique étrangère.
La Tunisie a traditionnellement maintenu une position neutre dans les conflits, mais ses vulnérabilités économiques pourraient la pousser à renforcer ses liens avec des alliés plus stables et économiquement puissants, au risque de s’aliéner une partie de sa population.
En définitive, une confrontation entre Israël et l’Iran aurait des conséquences de grande envergure pour la région du Maghreb, en particulier pour la Tunisie.
L’impact économique, lié aux perturbations des marchés de l’énergie et à l’intensification des tensions géopolitiques, viendrait aggraver les défis économiques déjà présents dans le pays.
Sur le plan politique, la Tunisie ferait face à une pression accrue, tant au niveau national qu’international, pour définir sa position sur le conflit, ce qui pourrait entraîner une polarisation politique accrue.
Alors que la Tunisie est confrontée à des problèmes internes tels que la réforme économique, le chômage et les défis de gouvernance, les répercussions d’un conflit Israël-Iran pourraient aggraver sa situation socio-économique et politique.
Assurer la résilience face à de tels chocs externes nécessitera que la Tunisie adopte une politique étrangère flexible et pragmatique tout en répondant aux besoins urgents de sa population.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)