Entre le 7 octobre 2023, date du déclenchement de la guerre de Gaza, et le 7 octobre 2024, beaucoup d’événements ont contribué à porter un tort certain à l’image d’Israël. En gommant certains slogans comme celui de « l’armée qui ne peut être vaincue », de « l’armée la plus morale du monde », du « peuple qui souffre d’antisémitisme »… L’article qui suit entend lever le voile sur quelques aspects peu reluisants d’une communication vouée à l’échec. Qui repose, entre autres, sur un modèle devenu désuet.
Analyse*.
« Les faits parlent d’eux-mêmes ». Pourquoi ne pas évoquer cette citation de Plaute, le dramaturge romain, à propos du tort subi par l’image d’Israël depuis le 7 octobre 2023, date du déclenchement de la guerre de Gaza. Un tort dont les manifestations sont nombreuses. Comme le départ, le 27 septembre 2024, de nombre de délégués à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), et pas uniquement de pays arabo-musulmans, pendant le discours du Premier ministre israélien. Ou encore, les manifestations d’étudiants contre la guerre de Gaza qui ont secoué, notamment en mai 2024, les campus aux États-Unis et qui n’ont pas faibli malgré les mesures strictes prises pour endiguer le mouvement.
Il faut dire que les images diffusées sur les bombardements et autres exactions commis par l’armée israélienne étaient terrifiantes et n’appelaient pas de commentaires. Il s’agit bel et bien d’une opération d’extermination de tout un peuple. D’autant plus que ces images de la guerre de Gaza avaient présenté un visage bien particulier. Alors que les télévisions du monde entier montraient des avions israéliens ciblant une population civile, qui comporte nombre de femmes et d’enfants, elles montraient parallèlement à cela des images de combattants palestiniens qui s’attaquaient à des soldats criminels.
Du coup, les messages largement propagés par la propagande israélienne et d’autres parties, dont l’exécutif américain, quant au fait qu’« Israël a le droit de se défendre » passaient mal. Et dans le même ordre d’idées, le slogan, tant usité, de « l’antisémitisme », utilisé urbi et orbi, depuis belle lurette, avait du mal à pénétrer nombre d’esprits. Et pour preuve, le sénateur américain, démocrate et juif, Bennie Sanders, avait, en avril 2024, mis en doute cette vision des choses en usant d’une phrase remarquable à l’adresse de Benjamin Netanyahou : « Vous insultez l’intelligence du peuple américain en détournant l’attention sur l’offensive sur Gaza ».
Israël ne laisse filtrer que le minimum de pertes de son côté
Il en est de même du fameux slogan au sujet de l’armée « la plus morale du monde ». À l’heure de la prépondérance des réseaux sociaux qui ont largement dépassé en audience et en popularité la télévision et tout autre média, certaines images ont trahi ce slogan israélien. Comment ne pas citer évidemment ces photos de soldats israéliens en train de jeter des cadavres de Palestiniens du haut d’un bâtiment, de soldats israéliens maltraitant un enfant ou encore de cadavres à la pelle de Palestiniens à Gaza.
Et pour accréditer sans doute le slogan de « l’armée qui ne peut être vaincue », aujourd’hui galvaudé, Israël ne laisse filtrer que le minimum de pertes de son côté. En voulant user de subterfuges qui dépassent l’entendement. Ainsi, les missiles qui tombent sur Israël sont soit arrêtés par le Dôme de fer, soit tombent dans des « régions inhabitées ».
Comment ne pas citer évidemment ces photos de soldats israéliens en train de jeter des cadavres de Palestiniens du haut d’un bâtiment, maltraitant un enfant ou encore de cadavres à la pelle de Palestiniens à Gaza.
En clair, elles n’atteignent que rarement leur cible. Comme à l’occasion de la précédente attaque iranienne sur la base de Nevatim (l’une des plus grandes d’Israël), le 1er octobre 2024, que l’État hébreu n’a reconnue que tard et du bout des lèvres et a largement minimisée. Mais qui n’a été confirmée par le quotidien israélien Maariv et l’agence américaine Associated Press. C’est pourquoi l’État hébreu pratique la censure en empêchant, entre autres, les journalistes de faire leur travail. Recourant jusqu’à la fermeture de bureaux de correspondants de presse. Comme ils conseillent leurs citoyens de ne pas filmer les dégâts et de ne pas les diffuser sur les réseaux sociaux. Oubliant, ou feignant de le faire, que dans une guerre, on donne des coups, mais on en reçoit aussi.
La fin de la toute-puissance des médias classiques
En fait, ce tort apporté à l’image d’Israël tient à l’action de nombreux facteurs qui ont donné de l’État israélien une image bien différente de celle qu’il a réussi à faire passer pendant de nombreuses années. Grâce à une bonne mobilisation d’une partie de la presse dont celle occidentale, à la divulgation des tenants et aboutissants du conflit israélo-arabe, à la fin de la toute-puissance des médias classiques, à la multiplication et la diversité des analyses et des changements géopolitiques dans le monde avec la montée de nouvelles puissances, mondiales et régionales, qui ont diffusé un autre ton à l’échelle internationale. Notamment dans la société civile.
Le discours d’Israël est pourtant resté le même malgré ces mutations. Il est resté largement marqué, et pour l’essentiel, par un modèle, celui de Shannon et de Weaver, introduit à la fin des années quarante du siècle dernier. Et qui est construit sur un cheminement communicationnel linéaire qui croit dur comme fer que les messages sont toujours persuasifs et atteignent automatiquement leur cible. Ne prennent pas en considération une donnée principale, le feed-back. Celui-ci veut que les gens interagissent et ne prennent pas toujours pour argent comptant ce qui leur est dit.
Rien ne peut être occulté
À ce niveau, force est de constater qu’à l’heure de la mondialisation et de l’explosion des médias, des voix multiples se font entendre. Et offrent une diversité qui colle mal à un discours unique toujours contredit. On se demande du reste en écoutant les dirigeants israéliens si ces derniers ont conscience que leur voix n’est pas, quoi qu’ils fassent, unique. Et que les médias et notamment ceux dits sociaux, dont la presse classique copie le modèle, sont pleins de lectures des faits et gestes de tout le monde. Et que rien surtout ne peut être occulté. En témoignent les révélations de Panama Papers, Pandora Papers, Paradise Papers, Congo Papers…
À ce niveau, force est de constater qu’à l’heure de la mondialisation et de l’explosion des médias, des voix multiples se font entendre. Et offrent une diversité qui colle mal à un discours unique toujours contredit.
Il faudra, cependant, relativiser ce qui précède. Les batailles ne suivent pas toujours une ligne droite. Et il est arrivé donc qu’Israël réussisse à marquer des points au niveau de sa communication. Il reste qu’il est des plus difficiles souvent d’effacer des images qui marquent à jamais les esprits. Personne n’a oublié, à ce stade, la photo dite de « la fille au napalm ». Celle de la petite Vietnamienne Kim, 9 ans, photographiée, en juin 1972, courant sur une route et happée de dos par les flammes. Le cliché, qui a valu à son auteur le « Prix Pulitzer », a choqué le monde et est devenu un symbole des exactions américaines au Vietnam.
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NB: Cet article devrait paraître lundi 7 octobre, mais pour cause d’élection présidentielle en Tunisie le 6 octobre, l’actualité nationale des médias risquant d’être dominée par les résultats de ce scrutin, nous avons jugé utile de publier cet article-anniversaire avec deux jours d’avance.