Dans un contexte mondial marqué par des défis économiques et géopolitiques, la notion de compétitivité d’un Etat devient un sujet central pour les politiques économiques. Pour la Tunisie, qui traverse des difficultés économiques liées à la dette publique, au déficit commercial et à la crise sociale, la question de la compétitivité se pose avec une acuité particulière. Que signifie être un « Etat compétitif » et comment la Tunisie pourrait-elle s’inscrire dans cette dynamique?
La compétitivité est souvent associée aux entreprises et à leur capacité à maintenir ou accroître leurs parts de marché face à la concurrence. Au niveau de l’Etat, la définition élargit cette idée à la capacité d’un pays à améliorer le niveau de vie de ses citoyens tout en maintenant un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale. Elle se manifeste par l’attractivité des territoires pour les activités économiques et par la capacité des entreprises nationales à rivaliser sur les marchés internationaux.
Dans le cas tunisien, la compétitivité d’un Etat pourrait se mesurer par la capacité du pays à offrir un environnement économique favorable à l’investissement, à attirer les talents et à garantir un développement social équilibré, notamment à travers une meilleure inclusion des régions intérieures souvent laissées en marge.
Compétitivité : où se situe la Tunisie?
La compétitivité se décline en deux axes : la compétitivité prix et la compétitivité hors prix.
La compétitivité prix renvoie à la capacité d’un pays à produire des biens et services à des coûts inférieurs à ceux de ses concurrents pour des produits de qualité équivalente.
En Tunisie, l’accent a souvent été mis sur la maîtrise des coûts de production, notamment en raison de la pression sur la monnaie nationale et la dépendance du pays à l’importation de matières premières. Cependant, cette approche, bien que nécessaire à court terme, a montré ses limites en termes de création de valeur ajoutée.
Pour la Tunisie, développer des secteurs à haute valeur ajoutée, telles que les technologies de l’information, l’aéronautique ou encore l’économie verte, représente une opportunité stratégique. Le pays ne pourra plus se contenter de bas salaires pour être compétitif.
La compétitivité hors prix, c’est à ce niveau que se joue une partie importante de la stratégie de long terme. Il s’agit de la capacité d’un pays à imposer ses produits ou services indépendamment de leur prix grâce à la qualité, l’innovation, l’image de marque ou encore les services associés.
Pour la Tunisie, développer des secteurs à haute valeur ajoutée, telles que les technologies de l’information, l’aéronautique ou encore l’économie verte, représente une opportunité stratégique. Le pays ne pourra plus se contenter de bas salaires pour être compétitif. Il devra investir dans la formation, l’innovation et la modernisation de son appareil productif.
De la réindustrialisation à la diversification : leçons pour la Tunisie
La France, qui a souffert d’une désindustrialisation progressive, illustre l’importance d’une stratégie industrielle claire.
En Tunisie, l’industrie manufacturière, qui représente environ 17 % du PIB, pourrait être un levier essentiel pour la compétitivité. Toutefois, cette industrie doit évoluer vers des secteurs à forte valeur ajoutée. Les secteurs traditionnels comme le textile ou l’agro-industrie peuvent être modernisés pour s’intégrer aux chaînes de valeur mondiales, tout en développant des créneaux de spécialisation comme les énergies renouvelables.
Compétitivité et coût de l’énergie
Un autre facteur essentiel pour un Etat compétitif est le coût de l’énergie, surtout dans un contexte de transition énergétique. La Tunisie, qui dépend fortement des importations énergétiques, fait face à une pression sur ses finances publiques. Pourtant, le pays dispose d’un fort potentiel en matière d’énergies renouvelables, notamment solaire et éolien.
Investir dans ces secteurs permettrait non seulement de réduire la facture énergétique mais aussi de renforcer l’indépendance énergétique. Tout en développant une nouvelle source de compétitivité pour les entreprises locales.
La transition écologique : un levier de compétitivité
Enfin, la transition écologique, souvent perçue comme un coût à court terme, doit être vue comme une opportunité pour la Tunisie. Un repositionnement vers une économie plus verte pourrait attirer des investissements internationaux et favoriser la création d’emplois dans des secteurs d’avenir. Tout en répondant aux exigences environnementales croissantes des marchés d’exportation.
Devenir un Etat compétitif pour la Tunisie implique de repenser sa stratégie économique. Il ne suffit plus de se concentrer uniquement sur la réduction des coûts de production. Il s’agit d’investir dans l’innovation, d’améliorer l’attractivité du pays pour les investissements à forte valeur ajoutée et de s’appuyer sur la transition énergétique pour réindustrialiser le pays.
Devenir un Etat compétitif pour la Tunisie implique de repenser sa stratégie économique. Il ne suffit plus de se concentrer uniquement sur la réduction des coûts de production. Il s’agit d’investir dans l’innovation, d’améliorer l’attractivité du pays.
C’est un chantier de long terme, mais essentiel pour garantir un développement durable et inclusif. Avec une stratégie claire et une volonté politique forte, la Tunisie peut se positionner comme un acteur compétitif sur la scène internationale, capable d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens tout en assurant une croissance durable.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)