Comme pour l’aspect politique, et avec pour toile de fond les résultats de l’élection présidentielle, la question est de savoir ce que serait l’architecture du paysage économique de l’après-6 octobre.
Pour Aram Belhadj, docteur en sciences économiques, le pays fait face à des défis majeurs. Des défis qui nécessitent des actions immédiates pour créer une nouvelle dynamique de croissance, « une dynamique qui crée de la richesse ». Comment y parvenir ? C’est ce qu’il va nous exposer lors de cette interview qui a été realisée avant l’élection présidentielle.
D’abord, un état des lieux. Votre lecture de la situation économique, aujourd’hui, dans le pays.
Le constat est clair. Je considère qu’on est toujours en crise économique. La croissance est très faible, de l’ordre de 1,8% selon la BIRD, contre une prévision de 2,1% selon le gouvernement. En tout cas et dans les deux cas, c’est une croissance atone. Et encore, on n’est pas sûr d’atteindre ces chiffres. En 2023, on avait tablé sur un taux de 1,8% pour nous retrouver finalement avec 0,4%. La différence est énorme. De même, le taux de chômage est assez élevé. Et que dire du chômage des diplô[1]més ! Idem pour l’inflation, même si, ces derniers temps, on constate une baisse. Sauf que, pour les Tunisiens, le plus important, c’est l’inflation perçue qui serait, aujourd’hui, à deux chiffres. Plusieurs experts estiment cette dernière à 14%, ce qui est très logique pour moi. Le citoyen la ressent dans tout ce qui est alimentation, loyer, dans tout ce qui le touche d’une façon directe.
Maintenant, si on se base sur tous ces chiffres, on peut affirmer qu’on est toujours dans une situation de stagflation. C’est la situation la plus compliquée en économie.
Avec ce constat assez alarmant, la question est de savoir si on peut s’en sortir.
Bien sûr qu’il y a toujours moyen. Le point de départ, c’est d’avoir une vision et une feuille de route pour ce pays et son économie. Malheureusement, il n’en est rien !
Pourquoi ?
Soyons très clair. Le programme du candidat Kais Saïed pour la présidentielle, le candidat sortant, est un programme basé sur l’assainissement, la construction et l’édification. Pour l’assainissement, on est plutôt dans une logique de « nettoyage », s’agissant de l’administration et des hommes d’affaires considérés comme corrompus. Pour l’administration, rien de flagrant n’a été entrepris. On a évoqué 100000 diplômes falsifiés, et finalement, on n’en a trouvé que 2600 environ sur près de 750 000 fonctionnaires ou assimilés dans le secteur public. C’est un chiffre que je considère comme assez normal donc. Toujours pour l’administration, et pour ce qui est des responsables corrompus, c’est vrai qu’il y a eu des irrégularités, mais il y a eu aussi quelques injustices. Tout cela pour dire que pour l’assainissement, il y a certains points d’interrogation quant au bilan définitif.
Pour la construction et l’édification, on peut dire qu’il y a des bases, du moins par rapport au programme présenté. C’est ainsi qu’on parle de réconciliation pénale et de sociétés communautaires. Mais en même temps, la présence d’une gestion « impulsive » de ces dossiers, avec l’existence de plusieurs contraintes de différentes dimensions me poussent à douter de l’efficacité de ces bases.
Extrait de l’interview qui est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 904 du 9 au 23 octobre 2024