Au début de ce second quinquennat, l’économie tunisienne se trouve confrontée à plusieurs défis majeurs qui menacent sa stabilité et son développement à court et moyen termes.
Ces défis touchent à la fois des aspects structurels, macroéconomiques et sociaux, créant un contexte difficile pour la croissance économique et la cohésion sociale.
Cette analyse vise à examiner ces enjeux de manière approfondie et à esquisser les perspectives envisageables pour les mois et les années à venir.
Premier défi : endettement public et déséquilibres budgétaires
L’endettement public, qui représente environ 90 % du PIB en 2024, constitue un des défis les plus urgents pour l’économie tunisienne. Ce niveau élevé d’endettement est le résultat de plusieurs années de déficits budgétaires récurrents, souvent amplifiés par des choix économiques qui favorisent une mauvaise maîtrise des dépenses publiques et une efficacité fiscale insuffisante. Ces déficits sont à la fois symptomatiques et les causes des problèmes structurels du pays, créant un cercle vicieux difficile à rompre.
- Déficits budgétaires et gestion des dépenses publiques :
La Tunisie est prise dans une spirale de déficits budgétaires qui s’accentuent année après année. Cette situation est partiellement attribuable à une gestion inefficace des dépenses publiques. Le secteur public tunisien est caractérisé par un gonflement de la masse salariale et des subventions mal ciblées qui pèsent lourdement sur le budget de l’État. Par exemple, les subventions énergétiques et alimentaires, bien qu’importantes pour protéger les populations vulnérables, représentent un poids considérable et ne sont pas toujours efficientes. Une rationalisation de ces dépenses est nécessaire, mais toute tentative de réforme se heurte à une forte opposition sociale, rendant les ajustements difficiles à mettre en œuvre sans causer des tensions politiques.
- Efficacité fiscale limitée et faible capacité de mobilisation des recettes :
La capacité de l’État à mobiliser des recettes fiscales est limitée par une base fiscale étroite et une économie informelle encore trop prépondérante. Cette faiblesse structurelle réduit la marge de manœuvre pour financer les services publics et les investissements nécessaires à la croissance. De plus, la faible efficacité des outils fiscaux actuels, combinée à l’évasion fiscale, empêche l’État d’atteindre un équilibre budgétaire. Les tentatives de réforme fiscale visant à élargir la base imposable ou à renforcer la lutte contre la fraude fiscale se heurtent souvent à des lobbies influents, retardant ainsi les progrès vers une consolidation budgétaire.
- Dépendance aux financements externes et réformes structurelles imposées :
Face à cette impasse budgétaire, la Tunisie s’est tournée vers des financements externes, notamment le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et d’autres partenaires internationaux. Cependant, ces sources de financement viennent avec des conditions strictes, souvent assorties de réformes structurelles impopulaires, telles que la réduction des subventions ou la réforme du secteur public. Ces mesures, bien que nécessaires pour rétablir l’équilibre budgétaire à long terme, risquent d’aggraver les tensions sociales, en creusant les inégalités déjà présentes. Par exemple, la suppression des subventions énergétiques ou alimentaires pourrait lourdement affecter les ménages à faibles revenus, augmentant ainsi le risque de contestation sociale.
- Pressions sur la dette publique et risques pour la solvabilité, à court terme :
À court terme, cette situation exerce des pressions croissantes sur la dette publique, menaçant la solvabilité du pays. Avec un niveau d’endettement proche de 90 % du PIB, la Tunisie risque de se retrouver dans une position où elle pourrait avoir des difficultés à honorer ses engagements financiers. Ce qui pourrait entraîner une dégradation de sa note de crédit. Cela compliquerait l’accès aux marchés financiers internationaux et rendrait plus coûteux le refinancement de la dette.
- Impact sur l’investissement public et la croissance, à moyen terme :
À moyen terme, cette dépendance croissante aux financements externes limite la capacité de l’État à investir dans des projets d’infrastructure nécessaires à la croissance économique. En effet, une grande partie des ressources budgétaires est absorbée par le service de la dette, réduisant ainsi les fonds disponibles pour des investissements stratégiques dans des secteurs tels que les infrastructures, l’éducation ou la santé. Cela freine la dynamique de croissance inclusive et rend plus difficile la mise en place des conditions nécessaires à une relance durable.
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* Dr. Tahar EL Almi,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)