La présidence de Donald Trump, sera marquée par son style de gouvernance non conventionnel et son approche centrée sur les intérêts américains, aurait des répercussions significatives sur les relations internationales et sur les pays du Maghreb, dont la Tunisie.
Dans un contexte global marqué par les rivalités géopolitiques, les tensions commerciales et une polarisation accrue, les choix de politique étrangère de Trump pourraient introduire des incertitudes, tout en offrant des opportunités de repositionnement stratégique pour les pays maghrébins.
ZOOM 2 – Deuxième incertitude : un rapprochement avec les régimes stricts et la stabilisation des alliances en Afrique du Nord
Sous l’administration Trump, l’approche pragmatique et souvent transactionnelle envers les régimes stricts a mis en avant la stabilité et les intérêts économiques comme priorités stratégiques, souvent au détriment des droits de l’Homme.
Cette vision pourrait renforcer les alliances des États-Unis avec certains gouvernements d’Afrique du Nord, assurant une stabilité politique immédiate, mais suscitant des préoccupations quant à l’avenir des réformes démocratiques dans la région.
- Effets de l’approche pragmatique et du soutien aux régimes stricts en Afrique du Nord
Trump a adopté une approche plus tolérante vis-à-vis des régimes stricts, considérant la stabilité politique comme un levier pour sécuriser les intérêts économiques et stratégiques américains dans des zones géopolitiquement sensibles.
En Afrique du Nord, où plusieurs pays connaissent des tensions sociales et politiques, cette politique pourrait se traduire par un soutien accru à des gouvernements qui maintiennent un pouvoir strict pour éviter l’instabilité.
Des pays comme l’Égypte et la Libye, confrontés à des défis sécuritaires, pourraient bénéficier de ce pragmatisme dans la mesure où les États-Unis privilégieraient la lutte contre le terrorisme et le contrôle des flux migratoires; même si cela implique un renforcement de mesures répressives locales.
Une telle dynamique pourrait permettre aux gouvernements autoritaires en Afrique du Nord d’obtenir un soutien diplomatique et financier des États-Unis sans être soumis à des pressions pour adopter des réformes démocratiques.
La Tunisie, en tant que seul pays ayant véritablement réussi une transition démocratique après les révolutions de 2011, pourrait quant à elle se retrouver isolée. Car son modèle de gouvernance axé sur la participation démocratique et les droits de l’Homme ne s’inscrirait pas forcément dans les priorités de cette vision pragmatique.
- Effets de l’impact sur les aspirations démocratiques et les droits de l’Homme
Bien que cette approche puisse assurer une certaine stabilité à court terme, elle risque d’étouffer les aspirations démocratiques de la société civile dans les pays du Maghreb. En l’absence de soutien extérieur pour promouvoir les réformes institutionnelles, les mouvements « pro-démocratie » pourraient se retrouver affaiblis. Et les dirigeants pourraient renforcer leur pouvoir en adoptant des mesures de contrôle social et politique plus strictes.
La jeunesse et les groupes civils, qui ont été les moteurs des demandes de changement et d’ouverture politique dans les pays du Maghreb, pourraient ressentir une frustration croissante. Ce blocage des aspirations pourrait également engendrer de nouvelles tensions sociales et politiques à moyen terme, les citoyens percevant cette alliance stratégique comme un abandon des valeurs démocratiques au profit de simples intérêts économiques et sécuritaires.
- Effets sur le repositionnement géopolitique et le renforcement des alliances alternatives
La réévaluation des relations de Trump avec les alliés traditionnels des États-Unis, notamment les pays européens, crée une opportunité pour les États nord-africains de renforcer leurs relations avec des puissances émergentes telles que la Chine et la Russie.
Ces puissances alternatives, qui adoptent également une approche pragmatique et moins regardante sur les pratiques strictes, pourraient offrir un soutien économique et technologique substantiel aux pays du Maghreb en échange d’un alignement stratégique.
Le Maroc, par exemple, pourrait poursuivre ses collaborations avec la Chine dans le cadre de l’initiative de la « Nouvelle Route de la Soie » avec des investissements dans les infrastructures et les zones industrielles.
De son côté, l’Algérie, riche en ressources énergétiques, pourrait intensifier sa coopération militaire avec la Russie pour diversifier ses partenariats de défense.
- Effets sur les risques d’une dépendance stratégique
Toutefois, un repositionnement vers des alliances avec la Chine et la Russie n’est pas sans risques. Les pays du Maghreb pourraient devenir stratégiquement dépendants de ces puissances. Se retrouvant parfois contraints d’adopter des orientations politiques et économiques alignées sur les intérêts de Pékin et/ou de Moscou.
Cette dépendance pourrait également limiter leur autonomie décisionnelle dans des domaines critiques comme la politique énergétique, la gestion des infrastructures et la technologie.
La Chine, par exemple, pourrait profiter de son influence pour imposer des conditions économiques favorables à ses propres entreprises, limitant le développement d’une industrie locale.
De plus, une dépendance accrue vis-à-vis de ces partenaires pourrait engendrer des tensions avec les partenaires occidentaux. Et particulièrement avec l’Union européenne, principale partenaire commerciale du Maghreb. Ce qui rendrait la position diplomatique des pays nord-africains plus délicate et polarisée.
En définitive, le pragmatisme de l’administration Trump pourrait renforcer le soutien à des régimes stricts en Afrique du Nord, en échange de garanties de stabilité et de coopération dans les domaines économiques et sécuritaires.
Cette approche pourrait offrir une stabilité immédiate mais compromettrait les réformes démocratiques à moyen terme.
Dans le même temps, les pays du Maghreb pourraient chercher à élargir leurs alliances en se rapprochant de la Chine et de la Russie, diversifiant ainsi leurs partenariats économiques et militaires.
Néanmoins, cette stratégie comporte des risques de dépendance et de tensions avec les partenaires occidentaux, rendant le positionnement géopolitique de la région plus complexe et potentiellement instable.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)