Lors de la deuxième édition de l’African ESG Summit organisée par le magazine Managers, Monam Ben Lellahom, CEO et cofondateur de Sustainable Square basé à Dubaï, a captivé l’audience avec une présentation riche en perspectives. Abordant le rôle stratégique de l’ESG (Environnement, Social et Gouvernance) dans les entreprises, il a illustré comment cette approche peut générer des impacts financiers positifs et catalyser une croissance durable.
Fort de ses 20 années d’expérience dans les domaines de la durabilité et du changement climatique, M. Ben Lellahom a retracé l’évolution de l’ESG, autrefois marginal, vers un enjeu central pour les entreprises. « Au début, parler de durabilité revenait à parler une langue étrangère, mais aujourd’hui, les preuves économiques et stratégiques de l’ESG sont indéniables », a-t-il déclaré.
En effet, l’appétit des investisseurs pour les données ESG a considérablement augmenté. Désormais, la santé d’une entreprise ne se mesure pas uniquement à ses performances financières, mais également à ses performances extra-financières, intégrant des critères de durabilité.
Des preuves économiques concrètes
L’une des révélations marquantes de l’intervention de Ben Lellahom est le lien avéré entre une bonne performance ESG et un accès facilité au capital. Une étude menée par MSCI démontre qu’un bon score ESG réduit le coût d’accès au capital. Dans les marchés comme l’Arabie saoudite, une corrélation positive a été observée entre la divulgation ESG et la stabilité financière des entreprises cotées.
Ces données sont corroborées par des cas réels : les scandales mondiaux, tels que celui de Volkswagen concernant les émissions de carbone ou celui de BP dans le Golfe du Mexique, montrent à quel point des lacunes dans les performances non financières peuvent affecter gravement la valorisation boursière et la réputation d’une marque.
Les priorités des investisseurs mondiaux
En citant le CEO de BlackRock, Larry Fink, M. Ben Lellahom a mis en lumière les nouvelles priorités des investisseurs :
- Neutralité carbone : les entreprises doivent se positionner sur la décarbonisation.
- Cible multi-parties prenantes : les stratégies doivent créer de la valeur pour toutes les parties prenantes et non uniquement pour les actionnaires.
- Focus sur la durabilité : seules les entreprises intégrant des objectifs de durabilité dans leur vision survivront.
La taxe carbone et ses implications locales
Un autre sujet clé abordé était la taxation carbone et son impact imminent sur les entreprises arabes. Avec des coûts pouvant atteindre 137 $ par tonne métrique dans certains pays, les entreprises doivent réduire leurs émissions pour éviter des pénalités financières massives. Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) accélère cette transition, en poussant les pays exportateurs à adopter des législations locales pour éviter une double imposition.
ESG : levier d’opportunités financières
Les performances ESG ne se limitent pas à la conformité, elles ouvrent aussi des opportunités financières importantes. En exemple, M. Ben Lellahom a cité plusieurs réussites arabes :
- Majid Al Futtaim, qui a levé 1,25 milliard $ avec un prêt lié à la durabilité à taux zéro, en échange d’engagements sur la diversité de genre et la certification environnementale.
- La First Abu Dhabi Bank, ayant émis un prêt vert de 600 millions $, a vu une sursouscription de 280 %.
- Dubai Islamic Bank, qui a collecté 1 milliard $ via un sukuk durable, trois fois sursouscrit par les investisseurs.
Ces exemples illustrent un intérêt croissant des investisseurs pour les produits financiers liés à l’ESG, qu’il s’agisse de fonds sociaux, climatiques ou axés sur la gouvernance.
Un impératif pour la Tunisie
Pour M. Ben Lellahom, la Tunisie a tout à gagner en développant des réglementations claires sur la divulgation des données ESG. Cela permettrait au pays de capter une part des 40 000 milliards $ d’actifs ESG prévus à l’horizon 2030 et de s’inscrire dans des fonds mondiaux.