À qui s’adressait directement Vladimir Poutine, jeudi 28 novembre, en vantant la puissance de l’Orechnik, un missile hypersonique de portée intermédiaire « capable de frapper partout en Europe » ? D’évidence aux pays de l’OTAN qui ont doté l’Ukraine de missiles américains ATACMS et de fusées britanniques Storm Shadow. Avec au sol ukrainien des techniciens pour superviser l’usage de cet armement sophistiqué.
La réponse du Kremlin à l’utilisation de missiles à longue portée par l’Ukraine ne s’est pas fait attendre. En effet, lors d’une conférence de presse tenue jeudi 28 novembre à Astana, capitale du Kazakhstan, pour le sommet de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), Vladimir Poutine a affirmé ne pas exclure « l’utilisation du missile expérimental hypersonique de portée intermédiaire Orechnik, des cibles militaires, des installations militaro-industrielles ou des centres de décision, y compris à Kiev ».
Pour justifier cette décision, le président russe a affirmé que l’Ukraine a lancé de multiples attaques contre Moscou et Saint-Pétersbourg ; ce qui reste à vérifier.
La Russie a rapporté mardi 26 novembre avoir été visée ces derniers jours par deux nouvelles frappes ukrainiennes réalisées à l’aide de missiles américains ATACMS, une arme contre laquelle Moscou a promis une réplique « foudroyante ».
Arme conventionnelle ou atomique ?
Comparant ce terrifiant missile à « une météorite » et la chaleur dégagée au moment de l’explosion « à la température de la surface du Soleil », le maître du Kremlin a de nouveau vanté la puissance de feu de cette arme de portée intermédiaire « capable de frapper partout en Europe, même si celle-ci n’est pas équipée d’ogives nucléaires ». Toutefois, a-t-il précisé, « si l’on utilise plusieurs de ces systèmes en une frappe – deux, trois, quatre – alors, du point de vue de sa puissance, c’est comparable à l’usage d’une arme nucléaire ».
Et d’insister : « Ce n’est pas une arme atomique car elle est : A- de haute précision et B- pas équipée d’une charge explosive nucléaire, et ne pollue pas l’environnement ». M. Poutine semble ainsi se préoccuper de l’impact de son armement sur l’écologie !
À noter à cet égard que l’homme fort de la Russie n’a pas précisé si ce missile était exclusivement conventionnel ou s’il pouvait être équipé d’une charge nucléaire, laissant sciemment planer le doute sur cette terrible menace.
Par ailleurs, ce missile balistique intercontinental avait été utilisé pour frapper la ville de Dnipro il y a quelques jours. Vladimir Poutine revendique une frappe massive avec 90 missiles, 100 drones, assurant que 117 cibles avaient été touchées. « Nous répondrons aux frappes incessantes sur le territoire russe avec des missiles à longue portée de fabrication occidentale », a-t-il indiqué.
Un missile fantôme
Mais quid de ce mystérieux missile ? Selon Vladimir Poutine, le missile Orechnik peut atteindre la vitesse de Mach 10, « soit 2,5 à 3 kilomètres par seconde », dont « il n’existe aujourd’hui aucun moyen de contrer de telles armes » puisque « les systèmes de défense aérienne actuellement disponibles dans le monde et les systèmes de défense antimissile créés par les Américains en Europe n’interceptent pas ces missiles. Cela est exclu », insistait-il, d’autant plus qu’il « était équipé de six ogives nucléaires ou conventionnelles, chacune dotée de six sous-munitions qui suivent chacune une trajectoire indépendante lors de leur entrée dans l’atmosphère ». Terrifiant.
Menace sur les pays de l’OTAN
L’Europe est-elle à l’abri de ce missile ? « En réponse aux plans américains de produire et de déployer des missiles à moyenne et à courte portée en Europe et dans la région Asie-Pacifique, ces missiles d’une portée de plusieurs milliers de kilomètres peuvent donc toucher des pays européens », assure l’ancien colonel du KGB.
Pour rappel, Vladimir Poutine avait affirmé il y a quelques jours que la Russie avait le droit de lancer des armes contre les installations militaires des pays européens de l’OTAN qui utilisent leurs armes contre Moscou, ajoutant que la réponse de la Russie à l’escalade en Ukraine serait « décisive et équitable ». De quelle manière ?
Rhétorique nucléaire
Selon les experts militaires, le président russe qui a lancé pour la première fois sur l’Ukraine jeudi 21 novembre un missile balistique à portée intermédiaire capable de transporter une ogive nucléaire, haussant d’un cran supplémentaire ses menaces à destination de l’Occident, aura de facto fait entrer pleinement la rhétorique nucléaire dans sa guerre contre l’Ukraine et par ricochet l’Europe.
Faut-il rappeler que le président américain Joe Biden avait autorisé récemment l’Ukraine à employer contre la Russie des missiles dont la portée de 300 kilomètres permet d’atteindre une série de villes russes et que Kiev n’a pas manqué d’en faire immédiatement usage, en visant des cibles militaires dans le territoire de la Fédération de Russie avec les missiles américains ATACMS et les fusées britanniques Storm Shadow, transformant ainsi de facto la guerre en Ukraine en un conflit régional ?
Or, il est important de souligner que l’usage de ces armements est impossible sans la participation directe sur le sol ukrainien de spécialistes militaires venus des pays qui les manufacturent, en l’occurrence les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou encore la France. D’où la réplique « foudroyante » de Moscou.