L’économie tunisienne évolue dans un contexte marqué par des tensions sur les liquidités, une dette publique élevée et une dépendance aux flux extérieurs.
Les derniers indicateurs financiers (BCT) permettent de dresser un tableau précis de la situation actuelle et d’identifier les défis à relever pour assurer la stabilité économique à court et moyen terme.
Une pression accrue sur les liquidités publiques et bancaires
Le solde du compte courant du Trésor connaît une forte baisse, passant à 947,1 MDT, soit un recul de 183,3 MDT en une journée. Cette contraction reflète des tensions persistantes sur les liquidités publiques, amplifiées par une pression accrue sur le financement des dépenses de l’État.
Du côté des banques, le solde du compte courant ordinaire affiche une amélioration notable à 424,6 MDT. Toutefois, cette évolution positive ne suffit pas à dissiper les inquiétudes, d’autant que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a réduit ses interventions sur le marché monétaire.
Le volume global de refinancement diminue de 1 933,6 MDT, traduisant une politique monétaire prudente visant à limiter l’inflation tout en évitant une surchauffe économique.
Un endettement public sous surveillance
L’encours des Bons du Trésor à court terme recule de 1 282,9 MDT, marquant une réorientation stratégique vers des instruments à moyen terme, dont l’encours augmente de 2 012,4 MDT. Cette stratégie vise à atténuer la pression immédiate sur le Trésor, mais elle s’inscrit dans un contexte où le service de la dette extérieure atteint 13 087,7 MDT, en hausse significative de 2 526 MDT par rapport à l’année précédente.
Des réserves en devises stables mais fragiles
Les avoirs nets en devises s’élèvent à 24 844,3 MDT, couvrant 112 jours d’importation. Bien que stables, ces réserves restent insuffisantes pour renforcer durablement la résilience économique face aux chocs extérieurs.
Le dinar tunisien, quant à lui, affiche une légère appréciation face au dollar américain (+1,72 %), mais s’affaiblit face à l’euro (-1,95 %). Cette dynamique reflète une vulnérabilité structurelle aux fluctuations des devises européennes, les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie.
Des secteurs clés en soutien à la balance extérieure
Les recettes touristiques progressent de manière significative, atteignant 6 620,1 MDT, en hausse de 394 MDT par rapport à 2023. Ce secteur, essentiel pour les entrées de devises, confirme son rôle clé dans l’équilibre extérieur.
De même, les revenus des transferts des travailleurs tunisiens augmentent à 7 068,1 MDT, consolidant leur position comme stabilisateur financier.
Perspectives à court et moyen terme
À court terme, les défis restent importants. La baisse du solde du compte courant du Trésor et la contraction des refinancements bancaires risquent de limiter la marge de manœuvre pour stimuler l’économie.
Une gestion rigoureuse des dépenses publiques et une mobilisation accrue des recettes fiscales deviennent impératives.
À moyen terme, la Tunisie devra s’attaquer à ses déséquilibres structurels. La priorité doit être donnée à une réforme fiscale ambitieuse, à une gestion proactive de la dette et à une diversification des sources de financement, notamment à travers des partenariats public-privé.
Par ailleurs, il est décisif de renforcer les secteurs stratégiques comme le tourisme et les transferts de la diaspora, en améliorant leur compétitivité et leur impact sur les réserves de change.
En définitive, la Tunisie se trouve à un tournant économique décisif. Si les indicateurs financiers actuels reflètent des tensions persistantes, ils révèlent également des opportunités pour construire une résilience durable.
L’heure est à l’action : réformes structurelles, maîtrise des dépenses et valorisation des secteurs porteurs doivent figurer au cœur de la stratégie nationale.
Seule une réponse audacieuse et concertée permettra d’assurer une stabilité économique et de préparer le terrain pour une croissance soutenue.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)