Dans le cadre de la journée mondiale de lutte contre le VIH, Avocats sans frontières a organisé une conférence de presse sur le thème “Le VIH/SIDA et les droits des populations vulnérables en Tunisie”. Elle s’est déroulée le 2 décembre 2024, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) à Tunis. Cet événement a réuni des acteurs et actrices clés de la société civile, des professionnels de la santé, ainsi que des avocats du cadre législatif.
L’objectif principal de cette conférence est de discuter de la place des droits humains dans la riposte au VIH en Tunisie. Tout en mettant l’accent sur les droits des populations vulnérables, notamment les personnes vivant avec le VIH (PVVIH), les travailleurs du sexe, les usagers de drogues injectables, les migrants et d’autres groupes marginalisés.
Aujourd’hui, les défis sont de taille. Où en sommes-nous vis-à-vis des campagnes de sensibilisation? Quel est l’état des lieux? À l’heure actuelle, on se demande si, au fil des années, le nombre de personnes vivant avec le VIH a baissé ou s’il est encore en augmentation.
En ce qui concerne l’état des lieux, il convient de noter qu »environ 8000 personnes sont porteuses du VIH, dont 2240 personnes vivent avec le VIH. Ce qui représente 28 % des cas. Elles reçoivent un traitement dans quatre centres.
En marge de cet événement, le directeur du programme national de lutte contre le VIH/SIDA, Samir Mokrani, a déclaré que 2036 cas reçoivent un traitement dont 1342 sont des hommes, 651 des femmes et 43 enfants.
En ce qui concerne les nouveaux cas, jusqu’à la fin de l’année 2023, il y a eu 430 nouveaux cas signalés. Parmi ces cas, 326 sont des hommes, 94 sont des femmes et 10 enfants (0-14 ans)
Qu’en est-il du cadre législatif?
Il existe en Tunisie un cadre juridique, notamment la loi 71 de 1992 relative aux maladies transmissibles, qui couvre le VIH/SIDA. Cependant, ce cadre présente de nombreuses lacunes dans la prise en charge des droits des personnes vivant avec le virus. Bien que cette loi vise à protéger la santé publique et à prévenir la propagation du virus, elle se concentre principalement sur la sécurité sanitaire sans accorder une attention suffisante aux droits des individus concernés.
Dr Rim Abdelmalek a soulevé que cette législation ne met pas suffisamment l’accent sur les droits humains des personnes vivant avec le VIH. Bien que le principe de non-discrimination soit inscrit dans la loi, il ne couvre pas tous les droits fondamentaux et ne prend pas en compte les aspects sociaux et économiques.
Elle précise dans ce contexte dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com : « Les travailleurs du sexe ont bénéficié d’un cadre légal émis après la révolution, permettant l’existence de maisons closes légales et fournissant aux femmes travaillant dans ce secteur une carte professionnelle. Cependant, après 2011, presque toutes ces maisons ont été fermées, laissant ces femmes dans des situations précaires et vulnérables, tant sur le plan physique que mental. »
Et de poursuivre: « L’homosexualité, quant à elle, reste punie par la loi. Bien que certaines personnes aient été identifiées comme homosexuelles sans être inquiétées, la législation en vigueur date de l’époque coloniale. Malgré des amendements après la révolution, cette loi n’a pas été complètement retirée et continue d’exister. »
Il est impératif que la société civile, ainsi que les avocats et les juges, travaillent ensemble pour aborder ces lois punitives. En matière de santé, il est essentiel d’appliquer les lois existantes et de s’assurer que ceux qui manquent à leur devoir d’éthique médicale soient tenus responsables. Toutefois, il manque un cadre légal adéquat qui permette de traiter le VIH comme une maladie gérable plutôt que stigmatisante.
Il est également crucial de changer les mentalités des soignants, notamment dans les écoles de médecine et les infirmeries. Bien que des efforts soient faits pour sensibiliser et éduquer, il reste encore beaucoup à faire pour aborder les préjugés et garantir un traitement équitable pour tous les patients.
Les lois punitives créent un climat de peur. Par exemple, le fait qu’une personne puisse être arrêtée simplement parce qu’elle possède un préservatif illustre bien cette problématique. Ces mesures ne relèvent pas de la santé publique mais de la répression.
Il est donc essentiel d’œuvrer pour faire évoluer ces lois et les mentalités afin de garantir un environnement où chaque individu puisse recevoir le soutien nécessaire, sans crainte de discrimination ou de répercussions légales.
Les recommandations incluent la nécessité d’une réforme juridique pour garantir une protection complète contre la discrimination et pour assurer un traitement équitable dans tous les domaines de la vie. Il est crucial d’améliorer l’équilibre entre les droits humains et les préoccupations sanitaires afin d’assurer une prise en charge globale et respectueuse des personnes vivant avec le VIH en Tunisie.
Les objectifs étant de :
- Réunir les acteurs de la société civile, les scientifiques et les professionnels de la santé pour évaluer les actions passées.
- Mettre en avant les droits humains car les inégalités entravent la riposte.
- Lancer une campagne de sensibilisation à tous les niveaux pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination, ainsi que pour protéger les droits humains.
Pour corriger la situation, il est nécessaire d’améliorer la sensibilisation des acteurs en contact direct avec les personnes vivant avec le VIH et de renforcer les compétences du personnel de santé et des universitaires tout en luttant contre les préjugés dans le domaine de l’emploi. Il reste beaucoup à faire pour atteindre l’égalité parfaite.
L’ONUSIDA souligne que certaines régions comme le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Europe de l’Est connaissent une augmentation des cas. En 2023, il y a eu 1,3 million de nouvelles infections au niveau mondial dont 70 % concernent des populations clés telles que les travailleurs du sexe et les consommateurs de drogues injectables. De plus, 630 000 décès ont été enregistrés cette même année.
Actuellement, 30,7 millions de personnes vivant avec le VIH reçoivent un traitement antirétroviral. Malgré une baisse significative des nouvelles infections (39 % depuis 2010), il reste beaucoup à faire pour atteindre l’objectif ambitieux fixé pour 2030.
Au-delà des chiffres, il est essentiel d’identifier les défis à relever et d’assurer une collaboration renforcée entre tous les acteurs concernés pour améliorer et intensifier la prévention, le dépistage et le traitement du VIH.
Enfin, rappelons que le VIH reste l’un des défis majeurs de santé publique au monde. Grâce aux progrès réalisés dans l’accès au traitement antirétroviral (TAR), les personnes séropositives vivent désormais plus longtemps et en meilleure santé. Ce texte souligne également que le TAR permet d’éviter une transmission ultérieure du VIH.
L’OMS a publié un ensemble de lignes directrices normatives et aide les pays à formuler leurs politiques. Et ce, tout en mettant en œuvre des programmes visant à améliorer et intensifier la prévention, le dépistage, le traitement ainsi que le suivi et les soins liés au VIH pour toutes les personnes qui en ont besoin.