Retour sur une date cruciale de la “révolution“ tunisienne et les questions tout aussi cruciales la concernant. Un événement qui ne nous a pas tout dit. En tout cas pas encore.
Quatorze ans après le déclenchement de la révolution tunisienne, le 17 décembre 2010, des questions continuent à être posées par de nombreux Tunisiens. Y compris par ceux qui étaient, à ce moment, dans le secret des dieux : anciens ministres, anciens diplomates, hauts fonctionnaires… Même ceux qui disent avoir une idée de ce qui s’est déroulé, notamment entre le 10 décembre 2010, date de l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, et le 1er janvier 2011, date de la fuite de l’ancien président Ben Ali, ont quand même des zones d’ombre.
Il n’y a qu’à lire la plus ou moins riche littérature publiée ou racontée notamment dans les médias, par les acteurs de l’événement, les journalistes et autres historiens et analystes.Ces derniers ne racontent pas tout le vécu du soulèvement révolutionnaire. Ils donnent quelquefois même jusqu’à des versions et de lectures différentes sur des détails qui sont somme toute importants.
La révolution tunisienne a été préparée par des puissances étrangères?
Et la question sans doute principale est celle de savoir si les faits sont ceux d’un soulèvement improvisé ou d’une manipulation venue de l’étranger. Les adeptes du complot, du reste nombreux chez nous comme sous d’autres cieux, vous expliqueront que la révolution tunisienne a été préparée par des puissances étrangères.
Avec des raisons évidentes. Dont celle de « démocratiser » le système politique existant que des pays occidentaux ne pouvaient plus soutenir. D’autres avancent qu’il y avait une volonté de se débarrasser de ces hordes d’opposants, dont beaucoup d’islamistes, appelés donc à regagner leur pays après la chute du régime. Ou encore de créer un climat propice pour asseoir une hégémonie.
Installer le germe de la démocratie
Et parmi ceux qui ont développé cette thèse du complot venu de l’étranger, il y a un certain Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, qui a popularisé l’idée selon laquelle « dès 2007-2008, des conférences organisées sous l’égide d’ONG américaines, comme Freedom House, l’International Republican Institute ou Canvas, ont installé le germe de la démocratie, créant un contexte favorable aux révolutions ». Nous y sommes en plein dans ce Printemps arabe qui a touché nombre de pays arabes à commencer par la Tunisie.
Eric Denécé … a popularisé l’idée selon laquelle « dès 2007-2008, des conférences organisées sous l’égide d’ONG américaines, comme Freedom House, l’International Republican Institute ou Canvas pour créer les germse de la démocratie, créant un contexte favorable aux révolutions.
On va, sur ce terrain, jusqu’à dire que le slogan « Dégage » a été conçu à l’étranger et « marketé » en Tunisie. Comme l’apparition de certaines icones dans les médias et la diffusion de messages qui se sont révélées inexacts mais qui ont impacté l’imaginaire collectif. Comment ne pas s’interroger, dans ce cadre, sur la place des réseaux sociaux dans la bataille? Une partie des messages n’était-elle pas « imports » dans un espace bien connu pour être planétaire?
Même des puissances étrangères n’y ont rien vu
Un Eric Dénécé qui n’oublie cependant pas de citer « le ras-le-bol face à l’avidité du clan Trabelsi qui était profond et touchait l’ensemble de la population confrontée à des difficultés économiques croissantes jusqu’aux entrepreneurs, dont beaucoup devaient “céder“ des parts entières de leur business pour ne pas être inquiétés ».
Nous voilà dans l’incertitude. Le régime de Ben Ali n’avait-il pas du reste donné la preuve de sa chute prochaine quelques jours avant le 17 décembre 2010? Des signes que l’on estime évidents. Mais que beaucoup n’ont pas apprécié à leur juste valeur. Même des puissances étrangères n’y ont rien vu.