Marine Le Pen dit se « préparer à une présidentielle anticipée » en cas de démission d’Emmanuel Macron embourbé dans une crise politique sans précédent.
Habile manœuvre politique pour échapper à la sentence de la justice? Marine le Pen, qui s’y voit déjà, cherche manifestement à accélérer le calendrier électoral au moment où elle encourt un risque réel d’être empêchée de briguer la magistrature suprême en 2027. Et ce, dans l’hypothèse où la justice ordonne en mars prochain son inéligibilité avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés du Front national. Elle mise ainsi sur un retour anticipé aux urnes.
D’après des sources proches de la députée du Pas-de-Calais, le Rassemblement National se tient déjà prêt à toute éventualité. Les cadres du parti multiplient les réunions stratégiques en vue d’une potentielle campagne éclair.
Le Pen se place « en réserve de la République »
En effet, à quelques jours après la désignation aux forceps de François Bayrou à Matignon, la chef de file des députés nationalistes assume que « par précaution, compte tenu de la fragilité d’Emmanuel Macron, du peu de leviers institutionnels qu’il lui reste », elle « se préparer à une présidentielle anticipée ».
Dans une interview au Parisien publiée mardi 17 décembre, la chef des troupes nationalistes à l’Assemblée rejoint, ironie du sort, la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon qui appelle lui à une destitution ou un départ du président de la République.
En effet, le chef de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a activement appelé à la démission d’Emmanuel Macron alors que le gouvernement Barnier était sur le point de tomber, n’a pas caché qu’il se préparait déjà pour l’échéance. Il est d’ailleurs à la recherche des 500 parrainages indispensables pour se présenter.
Sur M6 dimanche, il a également confirmé que son mouvement s’organisait pour ce rendez-vous électoral . Tout en affirmant qu’il ne serait pas automatiquement le candidat de son parti : « Il y aura une candidature insoumise, ça c’est sûr. Qui ce sera? Nous allons en discuter entre nous. Contrairement à la légende, ce n’est pas quelque chose qu’on décide tout seul. »
« Scène de ménage »
Revenant sur la nomination de François Bayrou à Matignon, la triple candidate à la présidentielle considère que l’actuel hôte de l’Elysée « a perdu son pouvoir de nomination du premier ministre, qui s’est nommé lui-même». Selon elle, les conditions de nomination de François Bayrou à Matignon prouvent en elles-mêmes ce qu’elle avance.
L’ancienne candidate à la présidentielle énumère les facteurs de déstabilisation qui pourraient, selon elle, pousser le chef de l’État à abréger son mandat : divisions au sein de la majorité, tensions persistantes dans le couple exécutif, pression des marchés financiers…
En effet, selon plusieurs sources proches de l’Elysée, les échanges entre Emmanuel Macron et François Bayrou auraient été très tendus au moment de la nomination du nouveau Premier ministre. Au point que le maire de Pau aurait menacé de sortir du bloc central s’il n’était pas choisi, obtenant gain de cause. « Une scène de ménage », a-telle raillé.
« Macron, c’est fini ou presque » !
Rappelons que pour l’instant, le chef de l’Etat exclut un départ précipité de l’Élysée. Début décembre, il a jugé que les appels à sa démission de la part d’opposants étaient de « la politique-fiction », assurant qu’il n’avait jamais songé à partir avant la fin de son mandat en 2027.
Cherchant à mettre la pression sur son adversaire de 2017 et 2022, l’intervenante présume pour sa part qu’« il y a beaucoup de raisons qui pourraient pousser Emmanuel Macron à mettre fin à son mandat ».
« Emmanuel Macron, c’est fini ou presque », a-t-elle conclu. « Mon propos n’a pas vocation à être cruel, c’est une réalité institutionnelle » a déclaré Marine Le Pen qui considère qu’« il ne lui reste pas grand-chose ». Pire : à ses yeux « il perdu la main partout à l’international, s’étant fâché avec tout le monde».
Coup de poker
Cela dit, il faut reconnaitre qu’Emmanuel Macron a perdu la main après sa décision calamiteuse le 9 juin dernier de dissoudre l’Assemblée nationale à la suite de la claque électorale infligée par les Français lors des européennes.
Or, pour l’heure, la présidentielle anticipée n’est qu’une hypothèse. Si le chef de l’État décidait de jeter l’éponge, un nouveau scrutin devrait être organisé dans les 20 à 35 jours. Un délai très court qui laissera peu de temps aux prétendants pour faire campagne, mais par effet de surprise, favoriserait Mme Le Pen mieux préparée que les autres candidats.
Emmanuel Macron en fin de mandat choisira-t-il de l’abréger? En raison des difficultés qui s’accumulent pour l’exécutif, avec une majorité relative à l’Assemblée, des réformes qui s’enlisent, un champ de manoeuvre trop étroit et une cote de popularité qui ne cesse de dégringoler, il pourrait être tenté de jouer son ultime coup de poker. Au risque de porter l’extreme droite au pouvoir?