L’horrible attentat, commis par un terroriste, pourtant médecin de son état, en Allemagne, met à nouveau le phénomène terroriste au centre des débats politiques, en Occident, en rapport avec l’évolution de la situation au Moyen-Orient.
La Tunisie, qui a connu une vague terroriste sans précédent pendant « la transition démocratique » causant des dégâts économiques et la mort de dizaines de nos citoyens, est elle aussi directement concernée, d’autant plus que des milliers de djihadistes mercenaires tunisiens avaient sévi partout dans le monde.
La chute du régime baathiste en Syrie et la prise du pouvoir dans ce pays, par les salafistes radicaux, a provoqué un séisme planétaire, non pas parce qu’un régime, déjà chancelant depuis longtemps, s’est effondré en quelques heures et qu’une armée des plus puissantes dans la région a été mise en déroute par quelques groupes djihadistes terroristes, mais parce que l’onde de choc qui s’en suivra va bouleverser l’équilibre régional et va surtout permettre à l’hydre terroriste, qui a ressurgi, d’étendre ses tentacules à nouveau pour frapper aussi bien les pays occidentaux que les pays arabes en premier lieu. La Tunisie sera une de ses cibles préférées.
Explications.
Le pays qui produit le plus de terroristes par habitant
Selon un rapport de l’ONU fait par un groupe de travail vers 2016, et à travers la déclaration de son porte-parole : « Nous avons été informés du fait que quelques 4 000 Tunisiens se trouvent en Syrie, entre 1 000 et 1 500 en Libye, 200 en Irak, 60 au Mali et 50 au Yémen. Actuellement (2016) quelques 625 combattants qui sont rentrés des zones des conflits sont poursuivis en justice ».
Du côté des autorités tunisiennes, depuis cette époque, aucune information précise sur le nombre exact de ceux qui sont restés à l’étranger ni de ceux qui ont été jugés par les tribunaux tunisiens n’a été communiquée officiellement. Ce qui avait permis au journal Le Monde de janvier 2020 de titrer un article qui traite le sujet : « Le tabou des autorités tunisiennes sur le sort réservé aux djihadistes ».
Les chiffres donnés par des soi-disant experts dans les médias tunisiens sont fantaisistes, souvent pour des raisons idéologiques ou politiques où l’on parle de plus de douze mille. Combien sont-ils rentrés. Beaucoup de terroristes arrêtés après avoir commis des attentats étaient passés par la Syrie ou la Libye.
Pourtant, l’on se souvient depuis au moins un certain temps lorsque la situation s’était stabilisée en Syrie qu’une délégation de députés du Parlement de l’époque avait visité ce pays et avait même rencontré Bachar El-Assad, et au retour ces députés avaient affirmé que les autorités syriennes allaient communiquer le nombre et les identités de ces djihadistes à leurs homologues tunisiens dans les prisons syriennes. Selon eux cela se ferait dès le retour des ambassadeurs. L’on ne sait toujours pas si cela avait été fait, sachant qu’il s’agit d’une question sécuritaire où le secret doit être bien gardé.
On avait pourtant ouvert un procès en justice contre ceux qui étaient impliqués dans la constitution des réseaux pour envoyer ces terroristes combattre en Syrie. L’affaire est connue sous le nom « affaire d’el tasfir », littéralement expédier en voyage, où sont impliqués des hommes politiques qui étaient à l’époque au pouvoir, des sécuritaires et même des ministres nahdhaouis. Mais jusqu’à maintenant, malgré les enquêtes menées par le parquet et la police, qui sont un préliminaire à tout procès aussi grave, on reste sur notre faim quant au nombre de ceux qui sont encore en fuite et qui à l’évidence compte quelques milliers, et le nombre de ceux qui sont incarcérés, jugés ou tout simplement acquittés.
Les pays occidentaux comptent leurs djihadistes en Syrie
Plus que jamais, la situation exige qu’on cesse cet imbroglio, ne serait-ce que pour rassurer notre opinion publique qui, plus que jamais, est très inquiète d’un éventuel retour de ces djihadistes, et son impact sur la sécurité et la stabilité du pays.
Mais jusqu’à maintenant, malgré les enquêtes menées par le parquet et la police, qui sont un préliminaire à tout procès aussi grave, on reste sur notre faim quant au nombre de ceux qui sont encore en fuite
Les pays européens qui ont aussi leurs djihadistes en Syrie ont donné le chiffre indiquant les nombres de leurs ressortissants dans les prisons kurdes ou syriennes. Dès la fuite de Bachar, le président français Emmanuel Macron, alors qu’il était en visite officielle en Arabie saoudite, a déclaré : « Nous avons dans la région des personnes qui ne sont pas sans représenter un certain danger ». Et de poursuivre : « Eviter la résurgence de mouvements terroristes qui peuvent préparer des attentats projetés ». Pourtant les djihadistes français ne comptent que 70 hommes, 180 enfants et 50 femmes.
La Tunisie premier pays producteurs de terroristes au monde?
Sur le site du ministère français des Affaires étrangères et de l’Europe est publiée une étude du chercheur Gurvan Le Bras, datant de 2016 intitulée : « Le paradoxe tunisien : Pourquoi tant de djihadistes ? ». Selon cette étude, qui s’appuie sur des chiffres donnés certainement par les autorités françaises et aussi par d’autres spécialistes, la Tunisie a le premier contingent de djihadistes dans la zone de conflit, Syrie-Irak. Ce qui ferait de notre pays le premier pays au monde produisant des terroristes par habitant.
L’auteur tente d’analyser les causes, politiques, sécuritaires, économiques et sociales du développement de ce phénomène, après ce qu’il appelle « La révolution ». Comme ses pairs occidentaux, il ne traite pas le facteur religieux qui est pourtant le principal facteur, s’agissant d’une idéologie rétrograde et violente qui est le salafisme et qui a un fabuleux pouvoir d’embrigadement sur les jeunes adeptes. Il ne cite à aucun moment la responsabilité et l’implication du parti Ennahdha et en tentant de dédouaner son président, Rached Ghannouchi, dont « Le calcul cynique et pourtant naïf, qu’il importait de s’accommoder d’une « armée de réserve » pour une éventuelle confrontation future avec les forces de l’ancien régime ». Ce que ce chercheur feigne de connaître, c’est que Ansar al-Sharia n’est qu’un sous-produit de l’idéologie des Frères musulmans tunisiens et une armée de réserve à leur disposition. Les évènements dont les procès en cours 1’ ans après ladite révolution ne laisse aucun doute sur cette vérité historique. Bien sûr cette approche est la même adoptée à cette époque par les Etats occidentaux, qui ont encore appliqué la politique américaine. Le fait que cette étude est toujours publiée sur le site du MAE français prouve que cela continue. Car ce site n’est pas un journal où les articles n’engagent que ceux qui les ont écrits.
Le terrorisme a une pépinière
L’on n’a pas besoin de ces statistiques pour savoir que le terrorisme djihadiste a une pépinière chez nous. Ce qui est logique, car pendant le règne de l’Islam politique, 4 000 imams, nommés par les différents ministres nahdhaouis, tenaient des prêches radicaux reproduisant le discours violent et haineux.
Le ministre du culte lui-même nahdhaoui incitait les jeunes à aller se battre en Syrie. Rached Ghannouchi lui-même s’est déclaré pour la guerre sainte contre le régime syrien. L’ex-président de la république, Moncef Marzouki, avait organisé la fameuse rencontre des « amis de la Syrie » et avait renvoyé l’ambassadeur de ce pays.
On considérait que la guerre sainte en Syrie était une obligation religieuse. On avait impliqué notre pays dans une guerre qui n’était pas la sienne et l’on a organisé le départ de milliers de jeunes pour aller se faire massacrer en Syrie.
Le même Marzouki, tout en soutenant le pouvoir salafiste dans ce pays parlant de « victoire de la démocratie », n’a pas hésité récemment à faire le parallèle avec la Tunisie actuelle de 2024. Une partie de la classe politique dans l’opposition au président de la République pense tout bas ce que Marzouki exprime très haut. Mais pas toutes les oppositions, dont les destouriens du PDL et une partie de la gauche qui se démarque de cette tendance dangereuse à vouloir créer le chaos même chez nous au nom de la lutte contre ce qu’ils appellent le despotisme.
Le ministre du culte lui-même nahdhaoui incitait les jeunes à aller se battre en Syrie. Rached Ghannouchi lui-même s’est déclaré pour la guerre sainte contre le régime syrien.
N’oublions pas les meetings de Ansar al-Charria à Kairouan et la vague salafiste radicale qui a embrasé le pays. Même si cette tendance dangereuse a été laminée, le risque d’une résurgence de ce monstre est toujours possible. Les succès remportés par nos forces de sécurité et notre armée dans le combat contre le terrorisme, ne doivent pas nous faire oublier que la bataille est d’abord politique, ensuite idéologique, et surtout elle est socio-économique.
Il convient donc de se mobiliser pour créer un large front contre ce danger que nous considérons imminent. La mobilisation et la vigilance de nos forces sécuritaires pour empêcher ce retour en arrière est décisive pour la sécurité et la stabilité du pays.
Même si cette tendance dangereuse a été laminée, le risque d’une résurgence de ce monstre est toujours possible. Les succès remportés par nos forces de sécurité et notre armée dans le combat contre le terrorisme, ne doivent pas nous faire oublier que la bataille est d’abord politique
Il revient aux autorités politiques de créer les conditions adéquates pour reconstruire le front intérieur, car, comme on l’a vu en Syrie, tous les arsenaux militaires et toutes les alliances avec d’autres Etats, frères ou amis ne peuvent avoir un sens que si nous réussissons à reconstruire l’unité nationale, comme lors des grands moments de notre histoire.