Fort de sa proximité troublante avec Donald Trump et du levier de son immense fortune, Elon Musk exerce une influence politique inouïe sur la présidence Trump ; n’hésitant pas à intimer l’ordre aux républicains du Congrès de renoncer au compromis budgétaire obtenu avec les démocrates, ou encore à s’ingérer outrageusement dans la vie politique allemande. Avec la bénédiction niaise de son patron.
L’influence pesante du patron de X, Elon Musk, sur la scène politique américaine agace et nourrit les critiques les plus acerbes. Veut-il occuper la place du président élu, Donald Trump ?
Une hypothèse écartée d’un revers de main méprisant de la part du futur président des Etats-Unis, lequel, lors d’un meeting tenu dimanche 22 décembre à Phoenix dans l’Arizona, déclara, confiant, en évoquant la Constitution, qu’Elon Musk « ne pouvait pas devenir président des Etats-Unis. Je suis tranquille, vous savez pourquoi ? », a-t-il demandé à la foule. « Il ne peut pas l’être, il n’est pas né dans ce pays » a poursuivi le magnat de l’immobilier à propos de son allié qui devint à 53 ans l’homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 251,3 milliards de dollars car il est né en Afrique du Sud avant d’être naturalisé américain.
En réagissant aux critiques, venus notamment du camp démocrate, qui l’ont dépeint en « président Musk » ces derniers jours, tant il occupe l’espace politique auprès du président, Donald Trump déclara : « J’aime être accompagné de gens intelligents », assurant qu’Elon Musk n’était pas en train de « récupérer la présidence ».
En effet, le futur 47e président des Etats-Unis peut dormir sur ses deux oreilles : car l’article II de la Constitution des États-Unis prévoit en effet que seules les personnes nées avec la nationalité américaine peuvent se présenter à l’élection présidentielle. Or, le patron de Tesla et SpaceX, né en 1971 à Pretoria en Afrique du Sud, est arrivé aux Etats-Unis en 1995 afin de poursuivre ses études supérieures à l’Université de Stanford.
Le shutdown évité de justesse
Pourquoi tant de méfiance envers cet homme devenu au fur et à mesure de la campagne présidentielle quasiment l’alter ego du candidat républicain ?
Chargé d’une mission extra-gouvernementale de dérégulation et de réduction de la dépense publique et sans demander l’avis de son patron, il a sonné la charge contre un texte budgétaire, affirmant: « Cette loi ne doit pas passer ». Donald Trump lui a emboîté le pas, poussant les États-Unis au bord d’une paralysie budgétaire, le fameux « shutdown », juste avant Noël.
En effet, le Congrès est parvenu in extremis, vendredi 20 décembre, à un accord avec le vote d’une loi permettant son financement provisoire après trois jours d’incertitude. Un épisode qui montre à quel point le président élu veut bouleverser les pratiques parlementaires, aidé par son conseiller qui s’est mobilisé sur X, son réseau social, pour s’opposer au texte budgétaire.
Ingérence
D’autre part, sur le plan diplomatique, et s’ingérant sans pudeur dans la vie politique allemande après avoir fait part de sa proximité avec la droite radicale, à l’instar du populiste britannique Nigel Farage ou la néo-fasciste italienne Giorgia Meloni, le fantasque Elon Musk apporte son soutien clair à Alternative für Deutschland (AfD), le parti d’extrême droite allemand ; n’hésitant pas à exiger la démission du chancelier Olaf Scholz après l’avoir traité d’« idiot incapable », et d’« imbécile incompétent » ; alors que l’Allemagne est endeuillée par la crapuleuse attaque sur un marché de Noël de Magdebourg qui a fait cinq victimes dont un enfant de 9 ans et 200 blessés.
« Un président-bis »
Très sévère, le quotidien Le Monde fait observer que « Depuis son ralliement à Donald Trump, il a modifié l’algorithme de son puissant réseau social, X, pour que ses prises de position politiques bénéficient du plus grand écho possible. Il a été le premier à intimer l’ordre aux républicains du Congrès de renoncer au compromis budgétaire obtenu avec les démocrates. Plus qu’un oligarque, un président bis prend forme, sans disposer de la moindre légitimité conférée par une élection. Elon Musk ne limite d’ailleurs pas son activisme aux frontières de son pays. Il s’expose à des accusations d’ingérence en multipliant les soutiens bruyants à des partis d’extrême droite, en Italie, au Royaume-Uni comme désormais en Allemagne. Son omniprésence et sa capacité de déstabilisation surpassent celles de Donald Trump, qui en avait fait sa marque de fabrique. Il s’agit d’un défi inédit pour les institutions des Etats-Unis ». Terrible réquisitoire.
D’ailleurs, le quotidien français de référence ne s’y trompe pas : occupant de plus en plus l’espace politique, un président bis prend forme, sans disposer de la moindre légitimité conférée par une élection : ainsi, son omniprésence surpasse et fait de l’ombre à Donald Trump en personne. Une menace inédite qui pèse sur la démocratie, voire sur les institutions des Etats-Unis.