L’année 2025 s’annonce marquée par des évolutions géopolitiques majeures, influencées par les tensions persistantes entre blocs rivaux, les transformations des alliances stratégiques, et les dynamiques économiques mondiales.
Ces tendances auront des répercussions directes et indirectes sur la Tunisie, en tant que pays à la croisée des chemins entre l’Europe, l’Afrique, et le Moyen-Orient.
ZOOM 3. Défis et tensions en Méditerranée : Les enjeux et les répercussions pour la Tunisie
La région méditerranéenne, bien qu’historiquement un carrefour d’échanges culturels et économiques, est aujourd’hui marquée par une intensification des tensions géopolitiques.
En Méditerranée orientale, les différends maritimes opposant la Turquie, la Grèce et l’Union européenne (UE) sont sources d’instabilité croissante.
Parallèlement, l’UE, confrontée à des flux migratoires accrus, renforce ses politiques de contrôle, ce qui exerce une pression supplémentaire sur des pays de transit comme la Tunisie.
La première source d’instabilité, les différends maritimes
Les disputes maritimes en Méditerranée orientale, centrées sur les zones économiques exclusives (ZEE) et les réserves de gaz naturel, exacerbent les relations entre la Turquie, la Grèce et l’UE.
La Turquie revendique des droits sur certaines zones contestées, ce qui alimente les tensions avec la Grèce et Chypre, soutenues par des pays comme la France.
Ces rivalités s’inscrivent dans une dynamique plus large de lutte pour le contrôle des ressources énergétiques et d’affirmation de l’influence régionale.
Ankara renforce également sa présence en Afrique du Nord, notamment en Tunisie et en Libye, via des accords de coopération économique et militaire. Cette stratégie vise à contrer l’influence de l’UE et d’autres puissances comme la Russie.
Les implications pour la Tunisie sont multiples, via :
- Des pressions sur la souveraineté maritime La militarisation croissante de la Méditerranée par des acteurs majeurs pourrait affecter indirectement la Tunisie, notamment en ce qui concerne les délimitations de ses propres ZEE. Toute tentative de redéfinition des frontières maritimes pourrait engendrer des tensions supplémentaires.
- Cependant, la Turquie s’impose comme un partenaire stratégique dans des secteurs clés tels que la construction et les infrastructures. Pour autant, Le renforcement de la coopération sécuritaire expose toutefois la Tunisie à des pressions externes, notamment de la part de l’UE, inquiète de l’expansion turque.
- Les relations avec l’Union européenne : Toute proximité perçue avec Ankara pourrait compliquer les relations avec l’UE, principal partenaire économique de la Tunisie. Pour autant, le Positionnement est délicat : La Tunisie devra adopter une politique d’équilibre pour éviter de compromettre ses relations avec l’un ou l’autre camp.
La deuxième source d’instabilité, les défis migratoires et le rôle de la Tunisie
Face à une augmentation constante des flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient, la Tunisie se trouve au centre d’une dynamique migratoire complexe qui redéfinit ses relations avec l’Union européenne (UE). Cette situation soulève des défis majeurs, tant sur le plan interne qu’au niveau de la coopération internationale.
L’UE, confrontée à une pression croissante sur ses frontières, a renforcé ses stratégies pour contenir les flux migratoires. Ces mesures jouent sur deux niveaux, et incluent notamment un financement de la surveillance des frontières via des budgets significatifs sont alloués à la mise en place de systèmes de surveillance et au soutien des infrastructures frontalières dans les pays de transit comme la Tunisie, d’une part, et d’autre part, des exigences accrues en matière de coopération via des accords bilatéraux et des partenariats stratégiques, comme ceux liés au Pacte européen sur la migration et l’asile, demandent aux pays tiers d’assumer une part importante de la gestion migratoire. Au niveau de la Tunisie, l’impact se matérialise par une gestion de la pression migratoire, dans la mesure où la position géostratégique de la Tunisie, située au carrefour des routes migratoires reliant l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient et l’Europe, la place en première ligne.
Cependant, cette situation amène les Pouvoirs Publics tunisiens à investir dans des dispositifs de gestion des frontières, des centres d’accueil pour migrants et des équipes de secours en mer, souvent sans avoir les ressources financières et humaines suffisantes.
Pour autant, l’afflux migratoire exacerbe parfois les tensions sociales et économiques, notamment dans un contexte de crise économique nationale.
Les exigences croissantes de l’UE, parfois perçues comme disproportionnées, peuvent avoir des conséquences diplomatiques importantes pour la Tunisie. Les pressions pour l’acceptation des migrants refoulés ou la signature d’accords controversés risquent de créer des frictions, bien que l’UE propose des aides financières substantielles. Ces dernières sont souvent conditionnées à l’adoption de politiques étrangères peu populaires.
Pour répondre à ces défis, la Tunisie se propose d’initier dés 2025, un renforcement des capacités institutionnelles via une meilleure coordination avec les organisations internationales et une gestion accrue des ressources allouées par l’UE. L’axe stratégique à ce niveau, serait une « diplomatie proactive » en négociant des accords qui respectent ses propres limites institutionnelles tout en renforçant sa souveraineté et une « promotion des droits humains pour garantir que les politiques migratoires restent conformes aux standards internationaux.
En définitive, la Tunisie, par son positionnement, joue un rôle central dans la gestion des défis notamment migratoires en Méditerranée, mais elle a besoin d’un soutien accru et d’une reconnaissance internationale de ses efforts.
La question migratoire pourrait ainsi devenir un levier stratégique pour renforcer ses partenariats avec l’UE tout en affirmant son rôle dans la stabilité régionale.
A suivre…
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)