La commission de l’Energie et des secteurs de production est sur le point d’achever l’examen des 44 articles du projet de loi pour la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Depuis son dépôt par le gouvernement à l’ANC, en novembre 2013, le projet de loi n’a cessé de diviser l’opinion. En face de l’Exécutif, qui défend l’utilité et les bénéfices d’un tel projet, se dresse un front d’opposition forte, formé notamment par les cadres et employés de la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG).
Nihdhal Ouerfelli, l’ancien secrétaire d’Etat à l’Energie et aux Mines (actuellement chargé de la Coordination et des Affaires économiques dans le gouvernement Jomaa) avait défendu, devant la commission des Finances en décembre dernier, le projet en assurant qu’il visait essentiellement à diversifier les sources de production d’électricité, ainsi qu’à encourager l’investissement en vue d’appuyer la STEG. Le représentant du gouvernement avait tout fait pour rassurer : même si la production était libéralisée, la STEG maintiendrait le monopole du transport et de la distribution.
Mais ni les arguments, ni les assurances de Nidhal Ouerfelli ne semblent convaincre une grande partie du personnel de la compagnie nationale. Ceux-ci, après avoir protesté le mois dernier devant l’ANC, ont élaboré une étude détaillée et approfondie, laquelle décortique le projet de loi, point par point, en en démontrant « les incohérences ». Dans cette étude, menée par la Fédération générale de l’électricité et du gaz, la structure syndicale des cadres et agents de la STEG, les contre arguments se suivent et se complètent.
Pour ce qui est du premier volet du projet de loi, relatif à la production pour la consommation locale, l’étude souligne les difficultés relatives au régime du tarif régulé. Le tarif régulé, qui signifie un paiement fixe conclu en vertu d’un contrat d’achat à long terme à tarif fixe non révisable, a déjà connu d’importantes difficultés en Europe, amenant carrément plusieurs pays à le suspendre. L’étude explique en effet l’amplification des coûts de l’électricité « à cause des surcoûts importants générés par une certaine perversion des systèmes de soutien mis en place relatif au tarif régulé ». Certains pays comme l’Allemagne, envisagent d’abandonner ce système de subvention aux énergies renouvelables d’ici 2018, et ont d’ores et déjà commencé à réduire l’application du tarif régulé. L’étude met également en relief le potentiel d’intégration assez limité à court et moyen terme de l’éolien au système électrique national.
Les experts de la Fédération générale de l’électricité et du gaz ont par ailleurs évalué le volet traitant de l’exportation de l’électricité produite à partir des énergies renouvelables. L’étude précise que l’article 9 de la directive Européenne de 2009, autorisant l’acceptation des énergies renouvelables d’origine extracommunautaire (Afrique du Nord) dans les pays de l’UE n’a pas encore été transposé dans les lois nationales des pays européens, à l’exception de l’Italie. L’Algérie et le Maroc, qui jouissent respectivement du statut de trader en France et du statut d’opérateur électrique en Espagne, tentent depuis des années, en vain, de mettre en œuvre cet article. Mais, avec une balance énergétique déficitaire, ces deux pays ont été rappelés par l’Union européenne à commencer par satisfaire leurs propres besoins en électricité. Exportée, l’électricité tunisienne ne serait pas compétitive. Les études réalisées sur le sujet (comme Desertec ou Tunur) montrent que le kWh solaire est trois fois plus coûteux que les coûts moyens dans le marché européen.
il est absurde de comparer le tarif moyen de l’électricité au tarif du solaire puisque le solaire thermique (filière CSP) aurait surtout vocation à se positionner sur le pic du soir, où il serait en compétition avec d’autres énergies de pointe (notamment le gaz et le charbon). Par contre la question de l’intégration notamment pour l’éolien se pose.
Merci pour ces précieuses précisions.
Les cadres de la STEG protègent leur privilèges au dépens de l’ intérêt national. Cependant il faut aussi présenter l’ autre face de la médaille. Les énergies renouvelables sont très compétitives avec l’électricité produite en brûlant les hydrocarbures. C’est un secteur qui peut non seulement réduire les 2,7 milliards de subventions allouées a la STEG et l ‘importation des hydrocarbures, mais aussi aider les ménages directement.
La Tunisie peut facilement devenir un exportateur d’électricité vers l’ Europe. Les italiens et les allemands sont prêts a faciliter ce projet mais la STEG est déterminée a préserver ses privilèges et son monopole et retarder le progrès. Les cadres de la STEG avouent même que l’ Italie est prête a accepter les importations, les décisions énergétiques en Europe se font au niveau du pays. Donc la coopération de l’ Italie est la condition nécessaire et suffisante.