La gouvernance d’entreprise, au cœur des préoccupations mondiales, devient de plus en plus perçue comme une opportunité stratégique permettant de créer de la valeur à long terme. En Tunisie, les entreprises cotées à la Bourse de Tunis continuent de faire évoluer leurs pratiques de gouvernance, bien que la route soit encore semée d’embûches. Un rapport récent de la Bourse de Tunis met en lumière les progrès réalisés après les assemblées générales de 2024, tout en soulignant certaines zones d’amélioration.
Le taux d’inclusion des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées a progressé de manière notable, atteignant 18% en 2024, contre 13,5% en 2020. Bien que la Tunisie n’ait pas encore de réglementation contraignante sur la féminisation des conseils, comme c’est le cas dans l’Union Européenne, ce chiffre représente un pas vers une plus grande égalité. Le secteur financier se distingue particulièrement, avec un taux de féminisation des conseils qui atteint les 20%.
Les sociétés cotées continuent également de renforcer leur ouverture à la représentation des minoritaires. Le rapport révèle qu’environ 88% des sociétés cotées ont lancé des appels à candidature pour désigner des administrateurs représentant les actionnaires minoritaires. Cependant, 30% des sociétés cotées n’ont toujours pas désigné de représentants des minoritaires, bien que de nombreuses entreprises aient initié des démarches pour rectifier cette situation.
Des administrateurs indépendants en nombre croissant, mais des disparités sectorielles
La gouvernance des entreprises cotées continue de se diversifier, avec un nombre croissant d’administrateurs indépendants. Après les assemblées générales de 2024, on dénombre 115 administrateurs indépendants sur un total de 695 administrateurs. Toutefois, il existe encore des disparités importantes selon le secteur d’activité. Le secteur financier se distingue par la meilleure représentation des administrateurs indépendants, avec 20% des sièges occupés par des administrateurs externes, un chiffre notable par rapport à d’autres secteurs où la proportion varie entre 9% et 15%.
Cependant, 20% des sociétés cotées n’ont pas encore désigné d’administrateurs indépendants, et parmi celles-ci, cinq ont lancé des appels à candidature pour y remédier. En France, toutes les sociétés du CAC 40 respectent les recommandations sur les administrateurs indépendants, un objectif que la Tunisie aspire à atteindre à terme.
L’internationalisation des conseils d’administration : une ouverture en progression
Le nombre d’administrateurs étrangers dans les sociétés cotées à la Bourse de Tunis a atteint 69 sur un total de 695, soit un taux d’internationalisation de 10%. Ce chiffre reste bien en deçà de celui observé dans des marchés plus matures. En France, par exemple, la proportion d’administrateurs non-nationaux dans les entreprises du CAC 40 s’élève à 31,1% en 2022. Le secteur financier tunisien se distingue avec un taux d’internationalisation plus élevé, à 15%, ce qui témoigne de son ouverture croissante au niveau mondial.
Le poids des conseils d’administration : une structure en mutation
Le rapport met également en avant la structure des conseils d’administration. Parmi les 74 sociétés cotées à la Bourse de Tunis, 98,7% des entreprises ont opté pour une structure juridique à Conseil d’Administration (CA), seule l’Amen Bank ayant choisi un modèle de conseil de surveillance et directoire.
Le nombre total d’administrateurs dans ces sociétés s’élève à 695, parmi lesquels 123 sont des femmes, et 115 sont indépendants. Toutefois, 18 sociétés ne comptent toujours aucune femme au sein de leur conseil d’administration, un chiffre qui souligne les efforts à fournir pour une plus grande représentation féminine.
Une gouvernance en mutation, des progrès à consolider
La gouvernance des sociétés cotées à la Bourse de Tunis a indéniablement progressé ces dernières années, tant en matière de diversité que d’indépendance. Cependant, des disparités persistent entre les secteurs, et un nombre non négligeable d’entreprises n’ont pas encore complètement intégré les recommandations de bonne gouvernance, notamment en ce qui concerne les administrateurs indépendants et la représentation des minoritaires.
Les entreprises cotées doivent donc poursuivre leurs efforts pour respecter les normes internationales, tout en tirant parti des opportunités qu’offre une gouvernance bien structurée pour garantir leur pérennité et attirer des investisseurs. À terme, le rapport de la Bourse de Tunis montre que la gouvernance d’entreprise, bien qu’encore perfectible, se dirige vers une évolution positive, en phase avec les standards internationaux.