Le 25 mai prochain auront lieu les élections européennes dans chacun des États membres de l’Union. Il s’agira d’élire les membres de l’institution représentant les peuples : le Parlement européen. L’enjeu politique est réel tant cette institution a vu ses pouvoirs législatifs et budgétaires renforcés. Pourtant, l’abstentionnisme guette. Pis, c’est la construction européenne dans son ensemble qui fait l’objet d’un sentiment de défiance de la part de ses propres citoyens. Pourtant l’Union européenne est une puissance agricole, industrielle et commerciale avec une monnaie unique et un Marché unique qui regroupe 28 États et plus de 500 millions de travailleurs, marchands et consommateurs. Mais l’Union européenne est d’abord l’histoire d’un succès politique symbolisée par un fait : après deux guerres mondiales qui ont ensanglanté la première moitié du XXe siècle, le vieux continent connaît la paix. L’Union européenne a d’ailleurs reçu le prix Nobel de la paix 2012. Cette distinction récompense officiellement l’action menée par cette organisation politique pour faire avancer la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l’homme.
Il n’empêche, les citoyens européens s’interrogent sur l’idéal européen. Transpartisane, la vague d’euroscepticisme- voire d’europhobie- exprime une crise de confiance qui nourrit les mouvements de replis identitaires, de contestation vis-à-vis d’une Union européenne perçue comme une matière floue, inconsistante et impuissante. En témoigne le retour en force des idées de frontière ou d’identité nationale, qui ont pour nœud gordien la question-clé de la maîtrise des flux migratoires. Plus qu’un enjeu, une obsession européenne. Il suffit de rappeler ici les premières réactions aux soulèvements populaires dans le monde arabe, essentiellement analysés sur la rive nord de la Méditerranée sous le prisme du risque sécuritaire et migratoire. Aujourd’hui, la question de l’immigration nourrit plus que jamais les partis populistes et xénophobes qui ont le vent en poupe. Ils devraient même être les grands vainqueurs des élections européennes du 25 mai prochain. Une victoire qui se traduirait par un nouveau raidissement de la politique européenne migratoire et du contrôle des frontières extérieures, et ce alors que ces dernières années, le nombre de traversées illégales détectées aux frontières européennes tend à baisser.
Historiquement, la politique européenne de l’immigration a marqué une inflexion dans les années 1980 avec l’harmonisation progressive de la gestion des flux migratoires. La gestion commune de l’immigration et de l’asile à l’échelle européenne ne prend forme qu’avec la signature de l’accord de Schengen en 1985. Les États signataires se donnent pour objectif la création d’un espace de libre circulation intérieure, mais de contrôle harmonisé aux frontières extérieures. Une Agence européenne en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, l’Agence Frontex, a été créée pour coordonner la coopération des États membres en matière de gestion des frontières extérieures, notamment dans les situations qui exigent une assistance renforcée à ces frontières, dans l’organisation des opérations de retour conjointes et dans la formation des garde-frontières nationaux. Or « Frontex » est accusée par certains défenseurs des droits de l’Homme de traitements dégradants et de violations de l’État de droit. Les ONG jugent également que les dispositifs de contrôle et de coercition (arrestation et placement dans un centre d’accueil temporaire) sont contre-productifs et inefficaces. Ainsi, des milliers de jeunes d’Afrique subsaharienne (essentiellement) sont toujours prêts à se lancer à l’assaut de Ceuta et Melilla en Espagne ou de Lampedusa en Italie.
Le flux migratoire dépend à l’évidence en grande partie du (sous-)développement des régions défavorisées de la rive sud de la Méditerranée. Aussi, au lieu de nourrir l’obsession européenne du contrôle de la migration clandestine, il serait plus judicieux de conclure un pacte de coopération et de solidarité limité aux États des deux rives de la Méditerranée, un « pacte » fondé sur des valeurs et principes communs, un pacte motivé par un objectif de solidarité et de développement.
Or, on est loin d’emprunter cette voie. Les ministres des Affaires étrangères du « groupe Méditerranée », réunis le 16 avril dernier à Alicante (Espagne), ont tiré la sonnette d’alarme sur la crise migratoire qui frappe la rive sud de l’Europe depuis plusieurs mois et le manque de ressources à leur disposition pour y faire face. Suite au naufrage entraînant la mort de près de 400 migrants clandestins au large de l’île italienne de Lampedusa, les États membres ont décidé, lors du Conseil européen des 24 et 25 octobre, d’adopter des mesures communes après les élections européennes de juin 2014. Ils se sont engagés à renforcer les moyens de Frontex et du bureau européen d’appui en matière d’asile. Cela suffira-t-il pour stopper la pression migratoire ? Une réponse négative s’impose, tant la solution ne saurait se résumer au recours à ce type d’instrument…