Le déficit des caisses sociales en Tunisie ne date pas d’aujourd’hui. Il croît de manière exponentielle et se confirme d’une année à l’autre. Plusieurs parties prenantes nationales et internationales ont annoncé les risques encourus par les équilibres financiers des trois caisses sociales tunisiennes : la CNSS, la CNRPS et la CNAM. Les études annonciatrices de cette situation ne manquent pas. De même bon nombre d’experts nationaux et internationaux ont tiré la sonnette d’alarme. Pourquoi en sommes-nous arrivés là aujourd’hui ? Pour répondre à cette question qui soulève tant d’autres, l’Economiste Maghrébin magazine a consacré dans sa dernière livraison un dossier à cette problématique, ainsi qu’aux pistes possibles pour sortir de la crise des caisses sociales, crise qui menace d’éclater tôt ou tard faute de solutions non pas radicales, mais efficaces, qui prennent en considération les intérêts divergents et parfois contradictoires des différentes parties : salariés, entreprises et Trésor public.
De quelle crise s’agit-il ?
Crise structurelle à multiples facettes, crise de financement, aggravée par une crise d’efficacité, qui s’inscrivent dans une crise de légitimité. Autant de descriptifs de la situation, mais il apparaît des différentes déclarations, interviews et commentaires de responsables et experts qui ont contribué à ce dossier qu’il y a nécessité, à moyen et long termes, de rompre avec la politique des palliatifs et des opérations ponctuelles et limitées et d’avoir le courage nécessaire pour opérer les réformes structurelles difficiles, qui permettront une diminution durable du déficit cumulé.
La CNRPS au bord de l’implosion
Ayant des prestations différentes et gérant des systèmes de prévoyance sociale différents, il est normal que la situation ne soit pas la même pour toutes les caisses. C’est ainsi que la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) se porte très mal et risque, de l’aveu même de son PDG Sayed Blel, de s’enfoncer davantage dans les déficits. En effet, depuis de longues années, la CNRPS traîne, comme un boulet, ses déficits structurels. Tout ce qui a été entrepris jusque-là pour la libérer de cet handicap ne sont en fait que des « mesurettes » qui n’ont pas changé et ne changeront pas le destin de cette Caisse, surfant depuis longtemps sur le bord de l’implosion puisqu’elle accuse un déficit s’élevant à 281 millions de dinars en 2014.
Evolution du résultat des régimes de la retraite de la CNRPS
Les solutions possibles pour pallier les déficits structurels de la CNRPS doivent, selon son PDG, être débattues dans le cadre de la Commission de la protection sociale, mise en place en vertu du Contrat social signé entre le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA. Les pistes d’action sont, selon lui, multiples, mais encore faut-il que toutes les parties prenantes s’accordent sur le même diagnostic, sur les mêmes chiffres et parlent le même langage
Cas de la CNSS
Pour M. Rachid Barouni, président-directeur général de la CNSS, la situation de la Caisse est réellement critique. Le déficit structurel enregistré depuis 2002 s’est aggravé pour atteindre 78 MD en 2012, tous régimes confondus. A lui seul, le déficit du régime de retraite pèse lourd. Plusieurs causes ont mené vers le déficit du régime de la sécurité sociale, notamment celui de la CNSS. La première cause est d’ordre démographique, la deuxième cause réside dans la maturité du régime de retraite, la troisième concerne les cotisations qui sont en baisse, et tous ces facteurs ont affecté directement le résultat financier de la CNSS.
Pour garantir un équilibre financier durant la période 2016/2051, il faut par exemple appliquer tout de suite un taux de cotisation de 30.22%. Ce taux devrait, de même, garantir des réserves couvrant 38 mois de prestation au titre des pensions.
LA CNAM n’est pas déficitaire
Contrairement à ce que l’on peut croire, la Caisse nationale d’assurance maladie n’est pas déficitaire. En 2013, ses comptes sont équilibrés, voire excédentaires, malgré toutes les difficultés qu’elle a pu connaître ces dernières années. Younes Ben Nejma, attaché de presse de la CNAM, décrit dans ce qui suit la situation actuelle de la Caisse. Il revient sur les années de déficit, mais aussi sur les relations, un peu tendues, ces derniers temps, entre la CNAM et ses principaux partenaires, à savoir les médecins et les pharmaciens. Elle a pu revenir, en 2013, malgré les difficultés, à un certain équilibre, voire à dégager un certain excédent.
Ainsi, il ressort de ce dossier que les réformes à introduire dans toutesla caisses doivent se concrétiser dans le cadre du Contrat social, signé le 14 janvier 2013. Les partenaires sociaux, autant que le gouvernement, doivent unir leurs efforts, sous le mot d’ordre «intérêt du pays», afin d’assurer la pérennité du régime, tout en bataillant pour sauvegarder le régime de retraite par répartition à prestations définies en annuités. Les autres régimes doivent être complémentaires.
Toutes les parties prenantes devraient également trouver les solutions adéquates pour une couverture sociale des catégories qui ne sont pas actuellement incluses, telles que les chômeurs, les travailleurs du secteur informel qui constituent un manque à gagner pour la sécurité sociale, ainsi que les familles nécessiteuses.