Il semble que la machine économique n’a pas pu marquer un changement de cap radical et sortir de la spirale infernale et de la léthargie, malgré les prévisions de la Banque Mondiale d’une croissance économique en Tunisie et qui dénotent, selon la dernière évaluation de la conjoncture économique par la BCT, des prémices d’une évolution positive de la conjoncture nationale. L’économie tunisienne est-elle dans l’embarras ?
Les résultats issus de la dernière évaluation de la conjoncture, relatifs au mois de juin 2014, ne surprennent nullement, mais ils sont néanmoins importants en ce sens qu’ils marquent la fin du premier semestre durant lequel le pays devrait avoir réalisé une grande partie de la croissance dont le taux prévu pour 2014 est de 2,8%.
L’inquiétude exprimée par la BCT dans son dernier communiqué est essentiellement alimentée par plusieurs facteurs qui continuent à faire barrage à l’économie tunisienne, tels que l’élargissement du déficit courant, la persistance des pressions sur les avoirs en devises, la résurgence des tensions inflationnistes, l’accroissement des besoins en liquidités des banques à un rythme accéléré, la dépréciation de la valeur du dinar, la montée des périls sur les équilibres financiers internes et externes, l’augmentation des coûts salariaux, la baisse de la productivité et la hausse des prix des produits importés.
Appelant « toutes les parties prenantes à prendre leurs responsabilités et à contribuer aux efforts visant la reprise du rythme de l’activité économique et l’atténuation des déséquilibres financiers », le conseil d’administration de la BCT n’y va pas par quatre chemins. C’est un appel qui pousse à éviter la banqueroute, agir dans l’urgence et penser à l’intérêt du pays avant tout autre considération. C’est un message fort pour proposer une vrai vision pour l’avenir.
D’où viennent l’inquiétude et les craintes de la Banque centrale ?
Selon les analyses de la BCT, les difficultés sont énormes. Le mois de juin 2014 a été marqué par l’élargissement du déficit courant ayant atteint 4,6% du PIB au cours des cinq premiers mois de 2014, contre 3,9% pour la même période de 2013, sous l’effet surtout de la poursuite de la détérioration du déficit des échanges commerciaux avec l’extérieur, notamment pour l’énergie et les produits alimentaires ; malgré la légère contraction des importations de ces derniers, ce qui a engendré, en conjugaison avec le repli des entrées au titre des investissements extérieurs, la persistance des pressions sur le niveau des avoirs nets en devises qui est revenu à 10.555 MDT ou l’équivalent de 94 jours d’importation, en date du 24 juin, contre 106 jours au terme de l’année 2013.
Deuxième source d’inquiétude : au niveau de l’évolution des prix, des signes de résurgence des tensions inflationnistes après une certaine période de détente ont été observés en juin 2014. Dans le même contexte, l’indice général des prix à la consommation a poursuivi sa hausse en mai 2014 pour le deuxième mois consécutif pour atteindre 5,4% en glissement annuel contre 5,2% le mois précédent, sous l’effet de l’accélération des prix des produits alimentaires, des produits manufacturés et des services.
La troisième source d’inquiétude relevée par la Banque centrale est l’accroissement des besoins en liquidités des banques à un rythme accéléré au cours du mois de juin 2014, l’obligeant à intervenir pour les réguler en injectant à hauteur de 5,6 milliards de dinars en moyenne quotidienne, jusqu’au 24 du même mois, contre 5,3 milliards en mai dernier.
Quatrième source d’inquiétude : la dépréciation de la valeur du dinar, durant le mois de juin, vis-à-vis de l’euro et du dollar américain avec des taux de change atteignant 2,2805 dinars et 1,6654 dinar, au 23 du même mois (-2,4% et -1,9%, respectivement). Par rapport au début de l’année, la valeur du dinar a baissé de 1,1% par rapport à l’euro et de 0,6% contre le dollar. « Cette tendance baissière du taux de change du dinar au cours des derniers mois a eu pour effet d’absorber l’appréciation de la valeur du dinar enregistrée durant le premier trimestre de 2014 », explique la BCT.
La cinquième source d’inquiétude de la BCT s’est manifestée par la montée des risques sur les équilibres financiers internes et externes, avec la dégradation continue de la situation du secteur extérieur qui pourrait, selon la BCT, s’aggraver davantage au cours des prochains mois, parallèlement au retour des tensions inflationnistes en raison de multiples facteurs, dont l’augmentation des coûts salariaux et la baisse de la productivité outre l’orientation à la hausse des prix des produits importés. La résultante de tous facteurs est la hausse de l’inflation, en conséquence, la détérioration du pouvoir d’achat du citoyen.
A qui revient la faute ? Au manque d’audace dans la prise de décisions urgentes pour faire les ajustements nécessaires, à la conjoncture internationale marquée par la hausse des prix du pétrole, la lenteur dans la mise en place des réformes nécessaires, au climat sociopolitique ? À la classe politique ou aux partenaires sociaux ? La responsabilité est certes partagée. C’est pourquoi l’appel de la Banque centrale s’adresse à toutes les parties prenantes. Toujours est-il que la seule voie passante pour sortir de l’impasse n’est autre que le travail, unique voie pour retrouver la croissance.