Le mercredi 23 juillet 2014, l’Economiste Maghrébin (Magazine) a publié une interview de Fadhel Abdelkefi, DG de Tunisie Valeurs. Il a été à la tête du Conseil d’administration de la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis trois années durant. Il se dit satisfait, optimiste quant au développement du marché financier et de son bilan. Nous publions, en exclusivité, quelques extraits de l’entretien…
L’Economiste Maghrébin : Vous vous êtes livré à un important travail de pédagogie à l’adresse aussi bien des politiques que des chefs d’entreprise. Il y a eu, à cet effet, des levées de fonds importants…
Fadhel Abdelkefi : Tout à fait. En une année, nous avons engagé un large débat avec différentes parties : partis politiques, centrales patronales, avocats, société civile…Une économie forte ne peut reposer sur le seul canal du financement bancaire, qui peut atteindre ses limites. Par ailleurs, ce que nous avons essayé d’expliquer à nos interlocuteurs, c’est que le développement du marché boursier n’est pas forcément une idéologie purement libérale…
Dans une économie comme la nôtre, où le tissu industriel est constitué de groupes familiaux nés pour la plupart dans les années 70-80, le souci de transmission devient une problématique de taille. Ces groupes sont parfois à leur troisième génération et il devient nécessaire de séparer entre les actionnaires et les managers. L’introduction en Bourse pourrait résoudre cette problématique de la transmission et assurer la pérennité de l’entreprise à terme. La deuxième vertu d’un marché est sans doute la levée de fonds propres, un argument non sans intérêt dans l’économie tunisienne, où la plupart des PME souffrent d’un problème structurel de sous-capitalisation.
Que ce soit pour une problématique de transmission ou de levée de fonds propres, le marché tunisien a toujours répondu présent ces dernières années. Rien qu’en 2013, la Bourse de Tunis a accueilli 12 nouvelles sociétés et a mobilisé près de 500 millions de dinars (MD), entre introductions en Bourse et augmentations de capital.
Au Maroc, 100% de la capitalisation boursière peut être détenue par des étrangers, de même en Egypte, au Liban, dans le Golfe … Pourquoi avoir peur, d’autant plus qu’un étranger qui investit et qui revend ses titres avant deux ans subit une lourde fiscalité de 30% de sa plus-value ?
Cette mesure – pourtant atypique– a été acceptée par la profession et par nos partenaires étrangers qui ont, de toute façon, des horizons de placement à moyen et long termes. J’ai, pour ma part, connu des clients qui ont investi pendant dix ans dans des banques, des sociétés de leasing, des entreprises (SFBT et autres). A Tunisie Valeurs, comme chez d’autres confrères, nous avons identifié ce genre d’investisseurs stables qui souhaitent renforcer leur position sur le marché tunisien, mais qui butent parfois sur des contraintes de placement.
En développant le canal de la demande, on pourrait rapidement développer la taille du marché et multiplier les volumes d’échanges qui restent aujourd’hui marginaux, comparativement à des pays voisins. L’on pourrait espérer voir la capitalisation du marché atteindre 80% du PIB, avec 250 à 300 sociétés cotées et constituer ainsi une meilleure vitrine de l’économie tunisienne.
Comment envisagez-vous l’avenir du pays, la Tunisie de demain ?
Vous savez, j’ai toujours été optimiste et je continue à l’être parce que je pense que le pays a un énorme potentiel qui demeure inexploité. Reste qu’il faut être conséquent dans ses choix. Si nous disons qu’aujourd’hui la Tunisie est un pays ouvert à l’investissement étranger, en fait, il ne l’est pas, vu la complexité des textes réglementaires. Nous gagnerions à avoir un Code d’investissement qui tienne en quelques pages et où tout est ouvert, sauf ce qui relève de la souveraineté. La Tunisie peut, d’après moi, être réellement une plateforme logistique pour beaucoup d’autres pays de la région, notamment la Libye, l’Algérie et les pays d’Afrique subsaharienne.
Le troisième point est que les dates pour les élections législatives et présidentielles sont fixées : avant la fin de l’année. Cela va ouvrir la porte à la troisième phase de transition : nous aurons dès lors un gouvernement stable, pour une période de cinq ans. Espérons que le prochain gouvernement prendra les mesures nécessaires pour ouvrir le pays aux investissements étrangers…