Les Américains n’ont jamais quitté la scène moyen-orientale, où ils ont pris, de fait, l’héritage du Royaume Uni. Leurs alliances privilégiées avec les pays du Golfe leur ont permis d’assurer une certaine prépondérance, sinon une hégémonie. Depuis l’accord de Camp David, ils ont intégré l’Egypte dans leurs alliance, alors que la guerre d’Irak et l’intervention en Afghanistan ont confirmé leurs emprise sur l’ensemble de l’aire. L’élection de Barack Obama a, semblait-il, changé la donne. Le nouveau président américain a opté pour le retrait de l’Irak et de l’Afghanistan. Fait plus important, l’autonomie pétrolière américaine mettait à l’ordre du jour une révision des relations avec les alliés pétroliers privilégiés de la scène.
Est-ce à dire que la puissance américaine s’est résignée à abandonner son leadership et a renoncé à faire valoir son titre tutélaire ? A-t-elle occulté son wishful thinking (prendre ses désirs pour des réalités), à l’appui de sa suprématie ? Disons plutôt que les USA ont opté pour l’exercice du leadership from behind, sans manifestation ostentatoire. Réfractaires aux interventions militaires au sol mais préoccupés par la lutte contre le terrorisme, les USA appliquent désormais la stratégie du light footprint (l’empreinte légère).
Les militaires américains privilégient la formation et l’appui de troupes de pays amis et le partage de renseignements obtenus par leurs drones (Ceyril Bensimon, Le Monde, 5 août 2014, p. 4). A la différence de la France et du Royaume Uni, ils refusent d’assumer la conduite des opérations (cas de l’intervention en Libye). L’attitude américaine, lors du Printemps arabe, a été bien ambiguë. Relativisons les enchères de ceux qui expliquent les relations internationales par « la théorie du complot ». Peut-être ont-ils, dans leur perception de l’ailleurs, fait valoir « l’exotisme du Sud », alors que les acteurs internes redoutaient l’interprétation médiévale de l’islam. D’autres observateurs plus compréhensifs ont adopté le diagnostic de Lahouari Addi, relatif à « la régression féconde » (expression affirmée depuis les années 1990 et rappelée récemment dans son blog http://lahouari-addi.blogspot.fr).
Le processus devait cependant clarifier la situation. On se rendit compte que l’Occident est perçu par les islamistes comme un ennemi irréductible et un mal absolu. Le discours utopiste de l’EIIL, l’organisation qui s’appelle l’État Islamique en Irak et au Levant et prône l’institution du califat et sa mise en application contre les yazidis, les chrétiens et les membres d’autres minorités religieuses suscitent l’inquiétude générale. Ils mettent à rude épreuve l’Irak et la Syrie, avec des risques d’extension évidents. Réagissant à cette campagne d’extermination des minorités religieuses irakiennes, le Président Obama a annoncé, jeudi 7 août, à la télévision qu’il avait autorisé des bombardements ciblés contre l’EIIL, ainsi qu’une aide humanitaire à destination des yazidis assiégés. Mais ces frappes aériennes ciblées seront-elles suffisantes pour forcer l’EIIL à battre en retraite ?
D’autre part, les USA ont décidé de soutenir les peshmerga kurdes, qui ont fait preuve d’une résistance courageuse, contre les assaillants. L’appui américain à la formation d’un gouvernement d’union nationale irakien est destiné à assurer un environnement favorable à la restauration de l’autorité de l’Etat. Peut-il le sauver de l’implosion, alors que la crise a érigé les Kurdes en acteurs principaux ?
Retour aux normes, les USA restaurent leurs alliances avec l’Arabie Saoudite et l’Egypte et appréhendent les risques de dérive, dans les pays de l’aire arabe, qui ont transgressé les objectifs de la transition démocratique. Leur offre d’équipements militaires et leur annonce de livraisons prochaines d’hélicoptères à la Tunisie attestent leur soutien à la sécurité et à la stabilité d’une transition démocratique prometteuse.