Rien à faire, on a beau prendre toutes les précautions, la partialité est toujours inscrite au programme des médias audiovisuels. Tant les « astuces » pour faire pencher la balance en faveur de tel ou tel autre candidat sont nombreuses. Voyage dans l’univers des « tricheurs » !
C’est vraiment bel et bien parti. Lundi 15 septembre 2014 et alors que les élèves retrouvaient le chemin des écoles, collèges et lycées, les séances d’enregistrement des passages à la radio et à la télévision commençaient au siège de la télévision publique.
Des séances qui ont été enregistrées- faut-il le rappeler ?- dans des conditions assurant à chaque liste électorale les mêmes chances. En effet, et outre le temps imparti au passage de chaque liste, la télévision publique a pris soin de capter les images d’une façon « égalitaire » : même cadrage des images, même décor, même volume du son, absence de signes distinctifs…
Outre ces passages à la radio et télévision réglementés par le code électoral, les listes devront bénéficier d’un traitement égalitaire dans les médias audiovisuels publics qui, comme tout le monde sait, sont un service public et doivent à ce titre observer une stricte impartialité.
Qu’en est-il des médias et notamment des radios et de télévisions privées ? Normalement, cela devrait être la même chose. Les cahiers des charges signés avec la HAICA (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) et ses « remontrances », les règles déontologiques largement adoptées dans la profession, des garde-fous comme le monitoring, qui surveille et mesure les passages des candidats, sont autant d’outils pour inciter les médias privés à jouer le jeu de l’ « impartialité ».
Force est de constater cependant que tel n’est pas toujours le cas. Les élections du 23 octobre 2011 ont en effet montré que la réalité du terrain est tout autre.
Des moyens divers et détournés pour faire pencher la balance
A commencer par l’implication des radios et télévisions étrangères dans le débat électoral. Lors des élections du 23 octobre 2011, la chaîne qatarie Al Jazeera et la chaîne Al Mostaquila du président d’Al Aridha Al Chaabya (la Pétition Populaire), mouvement devenu aujourd’hui Tayar Al Mahaba (le Courant de l’Amour), ont, par exemple, brillé par le soutien criard qu’elles ont apporté à des candidatures.
Concernant les médias audiovisuels privés tunisiens, l’observation du vécu électoral dans de nombreux pays montre qu’ils peuvent user de moyens aussi divers que détournés pour faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre. Et ce, en donnant l’apparence trompeuse de rester dans l’ « impartialité ».
Outre le temps d’antenne, les opérateurs peuvent user des directs (avec des images instantanées des meetings et autres rassemblements) pour arracher l’adhésion des électeurs en faveur de certains courants politiques.
Les médias audiovisuels ont d’autres cordes à leur arc. On sait d’expérience- là aussi- qu’il y a une panoplie de moyens capables de mettre en exergue une information ou, par contre, de la minimiser.
Changer carrément la donne
On peut, pour la télévision, user abondamment, par exemple, de la newsbar (ce texte qui défile au bas de l’écran), au lieu de l’annonce des faits et gestes des candidats à l’écran. La newsbar est connue pour ne pas attirer les téléspectateurs (8% de ces derniers la lisent selon une étude récente aux USA). Rien ne vaut donc une franche diffusion à l’écran. Mais là aussi la diffusion d’une nouvelle à l’écran peut revêtir diverses formes.
Rien à voir entre une nouvelle lue seulement à l’écran et celle accompagnée d’un reportage. Entre un reportage et une page spéciale. Entre une nouvelle annoncée au niveau des titres et une autre non annoncée. Là aussi une étude réalisée en 2009, en Suisse, montre que près de 60% des auditeurs se limitent aux seuls titres et n’écoutent pas toute l’édition.
Mais il y a plus grave : les « astuces » de la production et de la réalisation. La présence ou non d’un public, le décor, le nombre, la position et le cadrage des caméras, la lumière, le maquillage,… peuvent changer carrément la donne. Souvenez-vous de cet ancien ministre qui a fait remarquer, lors d’une émission sur une télévision tunisienne, en 2013, que le public « n’était pas impartial » ; ce dernier avait applaudi aux remarques faites par un invité à son camp.
C’est dire que l’on n’est pas sorti de l’auberge. D’autant plus que certains médias audiovisuels privés tunisiens appartiennent à des hommes politiques engagés dans la bataille électorale ou sont marqués idéologiquement et politiquement.