L’Economiste Maghrébin publie la deuxième partie de l’analyse de la conjoncture internationale et tunisienne, publiée par le département recherche de l’intermédiaire en Bourse MAC SA.
Japon: Un besoin de réformes pour stopper la délocalisation
Au Japon, les prévisions de croissance ont été révisées à la hausse, 1.6% contre 1.4% (en avril) pour l’année 2014.
Après les années d’excédents commerciaux, le Japon a sombré dans des déficits chroniques juste après le séisme de Tohoku et le tsunami de Fukushima (mars 2011). La catastrophe naturelle a déstabilisé l’appareil productif, allant jusqu’à le bloquer dans des secteurs stratégiques.
Le renchérissement des coûts de l’électricité suite à l’arrêt de production dans les centrales nucléaires a énormément affecté la compétitivité du Japon dans les secteurs de production énergivores. De même, les rigidités observées sur le marché du travail ont creusé l’écart de compétitivité entre le Japon et ses concurrents asiatiques.
La dépréciation du yen, observée depuis novembre 2012, ne pourrait inverser la tendance. Pire encore, le déficit 2014 est prévu à la hausse après l’excédent de 2010.
Pour redevenir attractif, le Japon ne doit pas échapper à une cure de réformes au niveau interne (notamment l’introduction d’une dose de flexibilité sur le marché de travail) et à un changement de stratégie au niveau international (accroître la part du commerce couvert par des accords de libre- échange). Sinon, le Japon risque de se retrouver avec la porte grande ouverte à toutes les formes de délocalisations, et pour une longue période.
4- Chine : Resserrement des conditions du crédit et soutien à l’activité économique : à la recherche du bon dosage ?
En Chine, les mesures prises par les autorités pour maîtriser l’expansion du crédit, conjuguées à la chute du marché immobilier, ont provoqué un fléchissement au niveau de la demande.
Les autorités chinoises restent confrontées à trois types de défis. Les deux premiers sont à court terme et le troisième est plutôt à moyen et long terme.
Premièrement, le gouvernement chinois doit stopper la chute du marché immobilier. La croissance de l’investissement immobilier enregistre encore une baisse pour le sixième mois consécutif : 14.1% en juin contre 14.7% en mai.
Deuxièmement, elles sont forcées de limiter le poids et l’influence du shadow banking dans le financement de l’économie. Un secteur qui est devenu très envahissant ces dernières années.
Enfin, elles doivent gérer leur atterrissage dans une économie dont le moteur principal est la consommation après être restées pendant longtemps fortement dépendantes des exportations et de l’investissement étranger.
Rappelons que l’essor du shadow banking puise ses racines dans son attractivité des fonds. Ce système offre une meilleure allocation des ressources, dépassant largement celle véhiculée par le système bancaire. De ce fait, la libéralisation, même partielle, des taux d’intérêt (notamment sur l’épargne) serait indispensable pour limiter sa force d’attraction.
Le passage à un modèle de développement reposant sur la consommation domestique prendra certainement du temps. Certes, la Chine gagne sur plusieurs terrains (amélioration du pouvoir d’achat des ménages, remontée en gamme pour les produits, aménagement du territoire, une meilleure politique d’urbanisation, droit du travail …) mais la facture sociale et politique (creusement des inégalités, accroissement du prix de l’immobilier) serait aussi très salée.
Le recul du niveau de la croissance et la chute du marché immobilier sont devenus très embarrassants pour les autorités chinoises. Un vrai dilemme pour l’Empire du Milieu
- Soit les autorités chinoises privilégient de combattre le shadow banking et dans ce cas elles pourraient améliorer la qualité de la supervision bancaire, au prix d’une chute plus brutale du marché immobilier.
- Soit elles optent pour la stabilité du marché immobilier pour éviter la chute de la croissance, et dans ce cas les réformes incontournables seront forcément repoussées et la fragilité du secteur bancaire continuera de nourrir l’anémie de la croissance.
Monde émergent: une croissance pendue à la reprise de la demande externe
Dans plusieurs pays émergents, les projections de croissance pour l’année 2014 ont été révisées à la baisse
Les économies émergentes continuent de souffrir, d’une part, du fléchissement de la demande extérieure (Etats-Unis et Chine), et d’autre part, du tassement de la demande intérieure.
Une nette contraction a été observée au premier trimestre de 2014, dans le monde émergent. Une série de chocs politiques expliquent la chute de la croissance en T1 : l’instabilité politique qui a débouché sur le coup d’Etat militaire en Thaïlande; la montée de la contestation syndicale dans les mines en Afrique du Sud ; la détérioration du climat politique au Venezuela ; la crise ukrainienne et ses répercussions sur la Russie.
D’autres facteurs économiques ont fortement impacté la situation des pays émergents. Il y a la chute de la croissance chinoise et le recul de la demande américaine qui ont affecté négativement les exportations des économies émergentes.
De même, le durcissement des conditions de financement externe a étouffé, en partie, la demande interne. Ajoutons aussi le risque de défaut qui plane sur l’Argentine et qui a fortement contribué au resserrement des conditions du crédit.
L’exception vient de l’Inde et de l’Europe centrale
L’économie indienne a profité du choc de confiance généré par l’arrivée du gouvernement Mundi. Ce choc est nettement observable à travers le rebond du marché financier et les pressions haussières sur la devise indienne. Disposant d’une majorité confortable, ce serait un atout pour engager les réformes structurelles tant attendues. Toutefois, démarrer la machine des réformes dans un grand pays comme l’Inde est une tâche qui est loin d’être facile surtout avec le poids de la machine bureaucratique et le coût social que suppose une réforme sérieuse.
Pour l’Europe centrale, c’est plutôt la reprise européenne et surtout allemande qui expliquerait la hausse de la croissance en T1. Mais le ralentissement de la croissance allemande en T2 n’est pas du tout réjouissant pour ces économies.
Dans le palmarès des économies en perte de vitesse, nous repérons le Brésil qui souffre de l’essoufflement de son modèle de croissance. Résultats : une nette détérioration des fondamentaux : creusement du déficit courant, faiblesse du taux d’épargne, recul de l’investissement …
Nous pouvons ressentir cette perte de vitesse de l’économie brésilienne dans la chute de la production automobile brésilienne (-16.8% pour le premier semestre de l’année 2014). Ce recul de la production brésilienne a permis au Mexique de s’imposer comme le premier producteur de la région avec 1.60 million de voitures sur les six premiers mois de 2014 contre 1.57 million pour le Brésil.
Avec la montée de l’inflation (6.5% en G.A. en juin), la classe moyenne, principal soutien au gouvernement Lula pendant la première décennie des années 2000, commence à contrer sa désapprobation de la politique économique menée par l’actuel gouvernement ( comme le montrent les derniers sondages, une nette intention de vote pour Dilma Roussef au deuxième tour des élections présidentielles : 54% en mars 2014 et 44% en août 2014).
Les perspectives économiques du Brésil restent fort dépendantes des résultats des élections d’octobre prochain. La victoire de Dilma Roussef alimenterait la volatilité des marchés et retarderait le redressement de l’économie brésilienne. Par contre l’arrivée d’Aécio Neves, avec son package de réformes, pourrait calmer les marchés. Toutefois, la résolution de l’équation sociale dominera l’horizon des affaires au Brésil. Une question qui taraude les analystes : comment le gouvernement brésilien pourrait-il réussir l’assainissement des finances publiques avec une croissance molle et sans une révision des programmes sociaux ?