Si les candidats aux élections législatives crient sur tous les toits leurs bonnes intentions et que certains promettent monts et merveilles, des taux de croissance mirifiques,une réforme radicale et/ou des programmes socio-économiques efficaces, les économistes, prenant leurs distances de tout parti polique, analysent le bien-fondé de ces programmes et leurs objectifs en ouvrant le débat à leur sujet.
L’ investissement, pierre angulaire de tout programme politique, a fait l’objet à l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises ( IACE ) d’une table ronde avec pour invités 14 représentants de partis politiques présents sur 25 circonscriptions électorales. « Je garde la même distance par rapport à tous les partis politiques », déclare Fayçal Derbel, membre du bureau exécutif de l’IACE et expert-comptable, président de la séance.
En effet, chaque représentant d’un parti politique a répondu à trois questions précises, claires et directes en trois minutes : quelle vision de l’ investissement, quel code de l’ investissement et quel partenariat public/privé ? Face à un parterre composé de journalistes, d’économistes et de chefs d’entreprise.
Ouvrant les débats, le représentant d’Al-Joumhouri, fiscaliste retraité de son état, Mohamed Salah Ayari estime que « nous n’avons pas le choix, les investissements doivent s’orienter vers les régions défavorisées » et de rappeler « la révolution a été déclenchée, au début, dans ces régions défavorisées ». D’après l’intervenant, orienter les investissements vers les zones défavorisées permettrait de réaliser deux objectifs : le premier est la création de postes d’emploi stables et le deuxième est la réduction du taux d’exode rural. Par ailleurs, M. Ayari a plaidé pour l’encouragement des PME qui constituent 90% du tissu économique en Tunisie et d’axer les stratégies de développement sur le secteur des services. Par ailleurs, il a insisté sur la réduction du taux d’imposition « car les taux tuent les totaux « , rappelle-t-il.
Revenant sur les incitations fiscales, Mohamed Salah Ayari a estimé que le moment est venu pour les remplacer par des primes et avantages financiers pour les hommes d’affaires qui optent d’entreprendre dans les régions intérieures. Pour ce qui est du Code de l’ investissement, Mohamed Salah Ayari a déclaré qu’il avait participé à son élaboration en 1993 : « Actuellement, nous devrions le simplifier et unifier tous les textes juridiques relatifs à l’ investissement ».
C’est au tour de Mongi Boughzala, expert économique, représentant de Nidaa Tounes de prendre la parole pour expliquer que la priorité doit être accordée à la stabilité du paysage économique, notamment en ce qui concerne l’emploi et les jeunes. De quel genre d’outils l’économie tunisienne a-t-elle besoin ? : « Une administration fiscale efficace et un code d’ investissement évolutif », propose-t-il.
Créer un ministère de gouvernance qui rassemble des établissements comme CEPEX, API et APIA. Telle est la proposition d’Anis Jaziri, représentant du Congrès pour la République (CPR). Selon lui, il faut mettre fin à cette dispersion entre les établissements relatifs à l’ investissement, notamment l’ investissement étranger. Cependant, la première étape d’après Anis Jazizri demeure de retrouver la confiance de l’investisseur. Quant à gagner la bataille de l’ investissement, il annonce que le CPR compte miser sur six secteurs, notamment les énergies renouvelables, l’agriculture, l’industrie mécanique, les TIC et la logistique. Revenant sur le programme économique de son parti pendant les cinq prochaines années, il a déclaré que le CPR opte pour un Etat qui détienne un rôle principal et régulateur. Enfin, il a lancé un appel aux hommes d’affaires tunisiens pour investir en Afrique.
Lancer une réflexion profonde et structurelle dont l’exécution permettrait de lutter contre la pauvreté, la précarité et le chômage, c’est ce à quoi Khaled Abdeljaoued, représentant du parti Al-Massar, a appelé, et ce, pour « garantir une justice sociale qui n’est pas accessible à tous les citoyens actuellement ». D’autre part, il a regretté « l’absence d’une vision claire sur l’emploi ». Dans le même ordre d’idées, l’intervenant a souligné l’importance de réhabiliter la valeur travail.
Le mot-clé pour Hichem BenFadhel, chargé du programme économique d’Afek Tounes, est la valeur ajoutée. L’économie tunisienne devrait être une économie à valeur ajoutée. Cependant, il ne transige pas sur deux points : le rôle principal de l’Etat, à savoir la création d’une infrastructure robuste et l’inutilité du code d’incitation à l’ investissement.
Elyes Fakhfakh, représentant du parti Ettakatol, a, quant à lui, rappelé que l’ investissement est le seul indicateur qui puisse renseigner sur la réussite d’un gouvernement. Pour ce qui est du taux d’investissement, il a informé que son parti table sur un taux de 6%.
Quant au mouvement Ennahdha, il est représenté par son ancien ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale Riadh Bettaieb. M. Bettaieb estime que le modèle actuel de développement a atteint ses limites et qu’il faut le remplacer par un autre. Répondant à une question sur la difficulté de faire appliquer la loi sous la Troïka, il a déclaré : « Durant notre mandat personne n’a été emprisonné pour des affaires qui se rapportent à la liberté d’expression », rassure-t-il.