La campagne électorale ouvre de grands chantiers politiques et assure la construction d’espaces démocratiques pour les différents acteurs. Elle avance des programmes et fonde, par conséquent, des espérances. Elle constitue une conjoncture d’attente. Tout en marquant leur territoire, les protagonistes sollicitent l’adhésion des électeurs. En quelque sorte, ils jettent des « bouteilles à la mer ».
La lecture des programmes électoraux et l’écoute des discours annoncent des diagnostics, des programmes et des perspectives d’avenir partagés. Prenant leurs distances de leurs discours fondateurs, occultant les projets de société qu’ils définissent, les candidats mettent à l’ordre du jour les attentes sociales : emploi, niveau de vie, développement des régions oubliées, traitement des situations particulières des terroirs… Plus de voix séparées ou presque mais une recherche de synthèse des articles de la cause sociale et un argumentaire de consensus. Les partis politiques ont laissé leurs idéologies au vestiaire, en privilégiant un positionnement pragmatique.
Dans ces discours-appels, qui souhaitent convaincre et/ou ramener l’électorat populaire, l’observateur peut relever les visions réductrices, les surenchères, les conclusions fuyantes et ambiguës. A la limite, on peut parler d’une politique-fiction, étant donné qu’on ne semble pas tenir compte des moyens des ambitions affirmées.
Prenons la juste dimension de cette identification partagée des diagnostics régionaux et locaux. Mais a-t-on délaissé les diagnostics nationaux à la campagne présidentielle, dans un régime plutôt parlementaire ? Saluons cependant cette prise de conscience des problèmes du quotidien, le panier de la ménagère, la dégradation des services municipaux, le laisser-aller général. D’autre part, la démarcation concernerait le rythme des réformes et la perception des urgences. Certains messages restent inaudibles. Comment appréhender, en outre, l’électorat invisible, que la conjoncture et la désillusion ont marginalisées, confirmant sa désespérance ?
Ne devrait-on pas formuler des vues d’ensemble, poser les diagnostics en relation avec les impératifs géopolitiques, qui inscrivent la démocratie locale dans le marché mondial et le nécessaire appel à l’investissement international plus ou moins désintéressé ? Cette donne conditionne « l’économie collaboratrice » et le libéralisme social, que les acteurs politiques tunisiens font valoir. Peut-on occulter les effets de la géopolitique régionale et les problèmes de voisinage, qui défient notre sécurité et notre économie ?
La conjoncture atteste qu’il y a un embranchement décisif entre « le chemin de l’éveil » (concept de Jacques Attali) et le chemin de la crise. Mais l’actualité tunisienne semble attester un réveil du citoyen tunisien, une prise de conscience des attentes et une recherche active des solutions de relance, de développement et d’ouverture. L’électorat tunisien serait-il capable d’inverser le discours des acteurs politiques, pour faire valoir la satisfaction des attentes sociales ? Pourrait-il assurer le passage de la simple gestion à la définition d’une stratégie de renaissance globale ?