L’Economiste Maghrébin publie la première partie de ce billet publié par le département MAC SA. Ce billet s’efforce de dresser un panorama des inquiétudes qui pèsent sur le climat des affaires et qui conditionnent la qualité de la reprise aussi bien au quatrième trimestre 2014 qu’en 2015.
La Tunisie a un besoin urgent de réformes étouffé par la montée des incertitudes. Le train de la reprise mondiale repart et la Tunisie reste à quai. L’achèvement de la Constitution et la fixation du calendrier électoral ont redonné des couleurs à l’horizon des affaires. Toutefois, le démarrage de la campagne électorale et le suspense qui plane sur les résultats et les alliances qui se dessinent alimentent de nouveau le cycle des inquiétudes.
A la veille de ces élections les Tunisiens ne savent plus à quel saint se vouer : ils sont saisis d’un sentiment de désarroi face à la montée du chômage, des inégalités et des menaces terroristes, un sentiment de dégoût devant une classe politique qui brille par son manque d’audace et une centrale syndicale qui rayonne par ses revendications démesurées, sans parler du sentiment d’appréhension de l’avenir (blocage des grands chantiers de réformes: retraite, éducation, infrastructure, ..). Bref, un climat exaspérant dont le populisme est aujourd’hui le seul à profiter et la dynamique des réformes la seule à payer une facture salée.
Trop d’incertitudes tuent la reprise
Finies les vacances, la rentrée politique s’annonce aussi chaude que la canicule qui s’est abattue sur la Tunisie à la fin du mois de septembre. Les attentes et incertitudes sont démesurées.
- Sur le plan sécuritaire : rétablir l’ordre public et garantir un contrôle strict des frontières.
- Sur le plan environnemental : gagner la bataille de la propreté.
- Sur le plan économique : apaiser le climat des affaires, rassurer les investisseurs nationaux et étrangers et inverser la courbe de l’inflation et du déficit courant.
- Sur le plan politique : rehausser le débat et neutraliser les dérives d’un journalisme qui flirte avec la presse de caniveau.
L’incertitude plane à l’approche des deux échéances électorales (législative et présidentielle). Le prochain gouvernement sera-t- il épaulé par une coalition politique suffisamment forte lui permettant de rétablir l’autorité de l’Etat et de démarrer sérieusement le package des réformes ? Ou au contraire, le risque d’une coalition fragile issue des urnes sera-t-il le scénario le plus probable ? Un scénario menaçant pour la stabilité politique et pour le climat des affaires.
Pour la présidentielle, c’est le flou total. Le nombre de candidats alimente le suspense. Le prochain président de la Tunisie démocratique sera-t-il l’homme qui rassemble les Tunisiens et rassure les partenaires étrangers, ou celui qui entretient les querelles partisanes et idéologiques ? Sera-t-il l’homme qui éclaircit l’horizon, ou plutôt celui qui lui rajoute une autre couche d’incertitude (sa compétence, son âge, son positionnement idéologique, ..) dans un contexte déjà largement assombri ?
Une économie au ralenti
A court terme, l’entrée dans le tunnel des élections nous inquiète plus qu’elle nous rassure. Certes, l’attentisme est sur toutes les lèvres, mais c’est plutôt le risque de plomber les réformes au-delà des élections qui nourrit les inquiétudes.
Comment remettre une inflation qui avoisine les 6% (5.8% en glissement annuel au mois d’août) sur un trend baissier, si la fermeté politique fait défaut ? Comment réformer des banques publiques porteuses de risques systémiques, si les calculs électoraux des élus du peuple priment sur l’intérêt public ? Peut-on inverser sérieusement la courbe du chômage des diplômés sans une réforme courageuse du système éducatif ? Y a-t-il des chances pour démarrer des politiques de ciblage des subventions, si la nouvelle majorité au pouvoir brille par sa fragilité ?
Pour le moment, la réaction des marchés reste modérée, seul le dinar semble commencer à « pricer » l’incertitude électorale. L’attentisme des marchés traduit l’incertitude sur la composition de l’équipe gouvernementale et plus précisément sur le calendrier de ses priorités. Mais un potentiel de hausse reste encore possible. Il attend juste une visibilité et une clairvoyance politique.
L’élaboration du projet de loi de finances 2015 en terre d’élections
Encore du retard dans la préparation du projet de loi de finances. La saison électorale complique la donne. Le projet sera-t-il préparé dans les délais impartis ? Ou sommes-nous condamnés à le discuter au début de l’année cible ? Il est fort probable que sa discussion coïncide avec les tractations pour former le nouveau gouvernement issu des urnes. Une majorité forte et solide pourrait prendre le risque d’engager les réformes nécessaires. Par contre, une coalition fragile serait amenée à repousser les textes les plus délicats pour les prochaines années. Encore du retard pour redresser l’économie tunisienne, et encore plus de « cadeaux » pour les nouvelles générations, alors que nos voisins marocains se préparent pour lancer la réforme de la retraite dans les textes de la loi de finances 2015 !!
Une gamme de réformes planquées dans les placards de la Constituante (une vaste refonte du système fiscal, une nouvelle version du code d’investissement, un projet de restructuration du secteur bancaire) attendent désespérément une discussion sérieuse loin des querelles politiciennes et du folklore populiste, et des décisions courageuses loin des tergiversations et des capitulations dévalorisantes pour le prestige de l’Etat.