Discours surprenant, les candidats de l’ex-Troïka évoquent le risque de monopole du pouvoir. Les élections ayant assuré la victoire, mais non la majorité au parti Nidaa Tounes, on fait valoir cet argument, pour inciter les électeurs à choisir leur candidat parmi les loosers. Pourraient-ils compter sur un changement du choix électoral, entre les deux scrutins ?
L’argumentaire du nécessaire vote différentiel, pour mettre sur pied un système politique, avec un parlement et une présidence de deux bords différents, ne peut se justifier. Autrement, il aurait dû être prévu par la Constitution. L’actualité politique fait souvent valoir un choix similaire. Prenons le cas français, le parti socialiste est aux commandes au parlement, au gouvernement et à la présidence de la République. Il s’accommode exceptionnellement d’une cohabitation laborieuse, qui paralyse volontiers le pouvoir. Qu’on pense aux cohabitations Mitterand/Chirac ou Chirac/Jospin. Le passage à la présidence quinquennale a de fait écarté cette possibilité, puisque les deux scrutins ont lieu au même moment et enregistrent la même image de l’électorat.
Régime présidentiel spécifique, le système politique tunisien associe le président de la République au choix du ministre des Affaires étrangères et de la Défense et lui confie des prérogatives, dans leurs secteurs. Un choix différent, qui dénature d’ailleurs la volonté électorale, mettrait à l’ordre du jour des possibilités d’une rupture, sur les prérogatives partagées ? Or, la Tunisie a besoin d’un pouvoir fort, pour faire face aux graves défis de la sécurité, de la relance économique, du pouvoir d’achat et du développement régional.
Les manœuvres actuelles de la « famille démocratique », qui exclut, pour les besoins de la cause, Nidaa Tounes, Afak Tounes, Al-Massar et le Front populaire, n’ont pas d’assises populaires, d’après le dernier scrutin. Le centre de gravité de l’opinion a évolué. Aucun des partis CPR, Ettakatol, Joumhouri ou l’Alliance démocratique ne semble susceptible de s’assurer un rassemblement majoritaire. Que de marginal, il soit devenu central, cette éventualité semble difficile à réaliser. Or les repositionnements électoraux, la recherche d’alliance avec Ennahdha et les tentatives de constituer un rassemblement ne semblent pas opératoires. Les points de discorde entre les protagonistes sont nombreux. En effet, les consultations entre eux n’ont pas pour objectif de relancer le débat, pour se mettre d’accord sur un programme. Ils ont, comme unique objectif, de faire valoir, chaque parti de son côté, la candidature de son leader. Or le citoyen post-révolution n’est pas disposé à accepter les manœuvres, pour annihiler son choix souverain.