Avant quelques heures de son annonce sur une chaîne privée sa décision de se retirer de la course présidentielle, Mustapha Kamel Nabli a été l’invité de l’Economiste Maghrébin. Entretien…
leconomistemaghrébin.com : Vous vous présentez avec 26 autres candidats à la présidentielle et vous avez, comme ces 26 candidats, les mêmes mots clés dans votre programme électoral, sécurité développement, économie… Et comme vous êtes un homme d’économie, on aimerait savoir comment comptez- vous procéder sur le plan pratique ?
Mustapha Kamal Nabli : Les maux de la Tunisie sont bien connus. C’est pour cela qu’on retrouve les mêmes mots-clés dans presque tous les programmes électoraux. La vraie question c’est comment répondre à ces problèmes et c’est là où l’on s’aperçoit de la différence entre les programmes. Il y a des candidats qui savent par où et par quoi commencer et d’autres qui n’en ont aucune idée ! C’est là toute la différence.
Les questions économiques je les ai pratiquées pendant des décennies, ce n’est pas un secret pour moi. Il faudrait commencer par les problèmes immédiats – en laissant les problèmes structurels pour après – et l’un des plus importants problèmes immédiats, c’est le retour de la confiance pour les investisseurs. On ne peut avoir une relance économique, on ne peut inverser les tendances économiques si les investissements ne reviennent pas. Ces trois dernières années, on a utilisé au maximum la consommation pour relancer la croissance. Aujourd’hui, c’est l’investissement qui doit être notre principal pilier pour le chemin de la relance économique.
On doit travailler d’arrache-pied pour que la confiance revienne, pour que les entraves à l’investissement soit totalement levées, pour que la confiance en le site Tunisie revienne. Toutes les parties prenantes doivent travailler dans ce sens.
D’ailleurs, on dit que la présidence de la République n’a pas les prérogatives nécessaires afin d’œuvrer dans ce sens. La diplomatie économique est cruciale. Elle doit œuvrer à promouvoir le site Tunisie et la mobilisation de ressources pour le financement. Ce n’est pas possible si la Présidence de la République n’est pas impliquée dans ces choix et dans les schémas du développement et les choix économiques du développement et de la relance.
Il y a des gens qui ne sont pas conscients des problèmes du pays. L’économie c’est la diplomatie, la sécurité c’est la diplomatie aussi, tous ces problèmes sont intimement liés, si on n’arrive pas à établir ce lien, on ne pourra pas résoudre les problèmes que vit la Tunisie.
Aujourd’hui vous vous présentez à la Présidentielle avec 26 autres candidats, dont Moncef Marzouki, président sortant, avec qui vous avez été en désaccord et qui a fait en sorte qu’il fasse tout pour vous écarter du poste de gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est réellement passé ?
Je n’ai eu aucun désaccord avec lui. C’est à lui qu’il faut poser cette question. Pour moi, au niveau du travail de la BCT, il n’y a jamais eu de désaccord. D’ailleurs, il n’a jamais accepté de me rencontrer afin de parler du travail de la Banque Centrale. On n’en a jamais discuté. Il a pris une décision sans fondement, arbitraire, contraire aux lois, normes et intérêts de l’Etat puisqu’il a déstabilisé les institutions de l’Etat. Pour moi, ce n’est pas grave qu’il m’ait écarté de mon poste mais ce qui m’a dérangé, c’est le fait qu’il ait nui aux institutions de l’Etat en prenant cette décision.
Béji Caïd Essebssi est l’un de vos principaux concurrents dans cette course et l’on sait que vous aviez de très bonnes relations professionnelles et personnelles même avec lui. Comment se passe, dans les coulisses, la concurrence entre vous ?
La concurrence se fait en public. C’est au citoyen tunisien de choisir entre les deux.
Vous avez présenté, après la grande polémique qui a tourné autour de la santé de BCE, un certificat médical avec le dossier de votre candidature. Comment évaluez-vous la présentation des dossiers médicaux des candidats d’un point de vue purement éthique ?
Je pense qu’il est extrêmement important pour le peuple tunisien d’avoir accès à ce genre d’information. Le peuple doit choisir son président s’agissant du premier vote démocratique, libre et transparent dans l’histoire du pays. Il est du droit du Tunisien de connaître la disponibilité physique et mentale de son futur Président. C’est aussi important que de connaître ses compétences, son programme et son expérience. La Tunisie ferait un grand pas si ça devenait quelque chose d’automatique.
Et d’ailleurs, cet acte n’avait rien à voir avec les déclarations de Si Omar S’Habbou quant à l’état de santé de Béji Caïd Essebsi. Notre demande liée à la présentation d’un rapport médical sur l’ état de santé de chaque candidat ne visait pas Si Béji. Elle s’inscrit dans le renforcement de la transparence et l’information de l’électeur tunisien de tout ce qui a trait aux candidats à la présidentielle.
Quelle sera la stratégie sécuritaire que vous emploierez en cas de victoire à la présidentielle ?
Nous avons développé dans notre programme une stratégie globale qui englobe l’aspect sécuritaire, la question culturelle, combatte les tendances terroristes, mette fin à la pensée de la violence politique qui encourage le terrorisme, notamment auprès des futures générations (dans les écoles primaires, secondaires, les mosquées …).
De plus, notre stratégie vise à donner aux jeunes les opportunités qui leur permettent de se projeter dans l’avenir afin qu’ils ne soient pas la proie facile du terrorisme et des réseaux de l’immigration clandestine.
Dans ce même contexte, il y a beaucoup à faire au niveau des institutions nationales de la sécurité pour qu’elles soient plus efficaces. Cela doit se faire au niveau d’un Conseil national sécuritaire qui doit, à mon avis, être développé davantage et mieux structuré.
Je pense que la mise en place d’une Agence nationale du renseignement est aujourd’hui une urgence afin qu’elle puisse renforcer la lutte contre le terrorisme.
En cas d’échec à la présidentielle, accepteriez-vous un poste ministériel ?
Cette question est un peu prématurée. Aujourd’hui, on est concentré sur la campagne présidentielle pour gagner le pari. Nous travaillons jour et nuit. Il nous reste encore une semaine. Pour le reste, on n’y pense pas pour le moment.
Loin des sondages, comment évaluez-vous vos chances de remporter la présidentielle ?
Nos chances sont bien fortes et présentes. Nous continuons à travailler sur terrain. Nous sommes très bien accueillis partout. Notre meeting à Paris en est la preuve.
Avez-vous un message à l’adresse des Tunisiens ?
A l’approche du jour du vote, le Tunisien sera en face d’un choix qui est d’une importance historique. Ce n’est pas un choix facile à faire puisqu’on va vivre les premières élections présidentielles démocratiques en Tunisie, mais surtout, ce sont les premières élections qui vont mettre en place les premières institutions de la nouvelle Constitution tunisienne. Celle-ci va permettre à notre pays de devenir un pays prospère et démocratique. Croissance et démocratie devront désormais aller de pair.
Ma candidature vient répondre à ce besoin et dans la préparation de l’entrée dans cette nouvelle ère. Je représente la candidature qui est la plus capable de nous mettre sur cette voie. Je peux travailler avec les autres. Je peux instaurer plus de stabilité, inspirer plus de confiance à l’intérieur et à l’extérieur et je suis porteur d’avenir. Je suis en somme prêt à répondre aux aspirations de tous les Tunisiens.