La fièvre de la « grévite aigu » sévit d’une manière interrompue en Tunisie, le seul rescapé, nous dit-on, du printemps arabe. Le Groupe chimique ne finit pas de manger son pain noir face aux revendications sans fin de ses agents et même de ses non-agents. Les Municipalités ne sont pas en reste rejoints par le corps enseignant relevant du Ministère de l’éducation. Les transports ont fait voir de toutes les sombres couleurs à leurs clients. Qui dit mieux ! A qui le tour ?
Si la grève est un élément qui dénote d’une liberté d’expression certaine, sa multiplication relève soit d’une situation sociale alarmante ou bien d’une faiblesse manifeste de l’Etat qui encourage tous les apprentis syndicalistes à s’essayer à un aura national , surtout que 2015 connaitra un congrès de la plus importante centrale syndicale, l’UGTT. Dans toute cette fièvre sociale, la dernière alternative semble la plus proche de la réalité. La lecture de la liste des revendications prônée çà et là prouve si besoin est que la guerre de position est devenue une des valeurs de tous les corps en arrêt de travail ou menaçant de l’être.
A Gafsa et dans le bassin minier, la grève a tourné autour d’une histoire de prime de productivité pour les exercices 2012 et 2013. Une productivité virtuel puisque jamais le bassin minier n’a autant tourné au ralenti atteignant environ un rendement moyen inférieur de moitié à sa capacité faisant perdre au pays plus de 4 milliards de dinars de production. Demander dans de telles conditions une prime de productivité relève à la fois de la surenchère et d’un manque de respect à tout le pays sachant que la Tunisie a été obligée de s’endetter, pour les deux tiers de ce montant, au niveau international. La courbe de production accidentée de phosphate et des dérivés a non seulement couté ce montant mais a également couté des marchés à l’export partis trouver ailleurs ce qu’ils avaient toujours eu en Tunisie. La perte sèche rajoutée à la perte de marché constitue une véritable hécatombe que les grévistes ne paieront pas avec de surcroît une prime de … productivité à servir sur des bases ascendantes.
Les enseignants auraient perdus environ 13% de leur pouvoir d’achat selon la centrale syndicale et demandent réparation alors que le citoyen a perdu des niveaux autrement plus importants et la classe moyenne s’est tout simplement disloquée sans qu’il y ait réparation. Ceux-çi, compte tenu de la tournure des évènements, auraient dû demander à s’inscrire parmi la liste des enseignants pour bénéficier d’une correction.
Les transporteurs ne sont pas en reste et demandent des réparations et des augmentations pour, disent-ils, être conformes aux accords signés mettant sur les routes des centaines de milliers de citoyens. Les lycéens du baccalauréat ne vont pas être en reste réclamant à corps et à cri leur « droit » de 25% aux notes. Les pétroliers font des champs pétroliers leur chasse gardée décidant de la pluie et du beau temps.
De la gabegie généralisée pour un Etat asphyxié par une croissance atone, des comptes publics piégés et un environnement politique des plus instables. Dans ce contexte, continuer à accepter les dictats du syndicat relève de l’incapacité pure et de l’absence de responsabilités vis-à-vis des générations futures car il sera encore plus difficile, demain, de résister face à des jusqu’au-boutistes qui auraient eu gain de cause par leur simple capacité de nuisance. Comment demain ferait-on pour revenir tout ce beau monde à la valeur travail, lui, qui aura vécu le farnienté rémunéré ? Une question qui augure d’une confrontation sociale inévitable le jour où le choix entre réformes et faillite sera binaire compte tenu de la situation du pays. Ce jour n’est plus très loin car la Tunisie ne dort pas chaque nuit sur un champ pétrolifère et ses revenus seront chaque année plus piégés par des revendications sans commune mesure avec ses capacités. Qui des syndicats et de l’Etat comprendra, enfin, qu’à force de tirer sur la corde, celle-ci rompra inévitablement. Ce sera alors le jour le plus long et la porte ouverte à tous les scénarii.