Nous étions au bord du désespoir et la Maison-Tunisie à deux doigts de l’effondrement quand le président Kaïs Saïed a finalement décidé d’agir contre le gourou et sa secte. Il faut dire qu’il nous a tellement habitués à des discours sans suite que beaucoup ont désespéré de le voir concrétiser la moindre de ses promesses avant la catastrophe finale.
Et puis, divine surprise, Kaïs Saïed a décidé d’agir. Son action a été d’autant plus appréciée qu’elle a provoqué aussitôt une explosion de joie populaire dans pratiquement toutes les villes de la République. La joie que le peuple tunisien a exprimée bruyamment en cette nuit du 25 au 26 juillet peut être assimilée à un référendum grandeur nature. Par lequel le corps électoral a exprimé un rejet total d’Ennahdha, du gourou, de ses excroissances et de ses pare-chocs. Un ras-le-bol des ravages causés au pays une décennie durant par l’islam politique. Un soulagement que le cauchemar qui a trop duré allait finalement prendre fin.
Le gourou et sa secte qui, dans leur immense bêtise, pensaient avoir pris définitivement le contrôle du pays, de ses institutions et de son peuple se sont brusquement trouvés sur un terrain mouvant. On peut dire sans risque d’erreur, que depuis leur débarquement au pays en 2011 avec l’intention de détourner la révolution de sa trajectoire, Ghannouchi et ses lieutenants n’ont jamais eu autant peur qu’en cette nuit du 25 au 26 juillet. Les klaxons incessants des voitures, les youyous des femmes et les feux d’artifices ne pouvaient pas ne pas les frapper de terreur. Ne pouvaient pas ne pas leur faire pressentir le pire qu’ils redoutaient: la chute de la secte et la fin du gourou.
Dans leur peur panique, il leur fallait vérifier s’ils avaient encore le temps d’éviter le pire qui se profilait avec insistance. S’ils avaient encore la force de contrer la décision de Kaïs Saïed qui venait d’annoncer le gel des travaux du parlement et la levée de l’immunité sur tous ses membres. Il leur fallait prouver au président et au peuple fêtard que le parlement est « ingelable ». Que l’immunité est intouchable. De telles urgences ne pouvaient attendre.
26 juillet, deux heures du matin. Ghannouchi, accompagné d’une poignée de députés, arrive devant le parlement. Une institution honorable avant qu’il ne la transforme en une annexe de son parti islamiste. Une institution respectable avant qu’il ne la transforme en une arène où sévissent les bandits, les corrompus et autres défenseurs du terrorisme.
Des grilles qui restent fermées
L’image est fortement chargée de symboles. Le gourou face à une grille en fer forgé suppliant un soldat de le laisser entrer. La grille reste fermée et Ghannouchi, impuissant, ne sachant trop que faire, regagne sa voiture.
L’image est trop chargée de symboles. C’est la mère-patrie qui récupère son parlement et expulse le fils indigne qui en a fait une institution abhorrée à l’intérieur et méprisée à l’extérieur.
La nuit du 25 au 26 juillet est sans doute la nuit la plus longue que Ghannouchi a vécue depuis son retour triomphal de Londres. Quand il était accueilli à l’aéroport par une foule en liesse chantant « tal’a al badrou ‘alaina ».
Attendant dans sa voiture la fin de cette nuit interminable, Ghannouchi a peut-être rêvé de cette foule en liesse. Il a peut-être souhaité qu’elle vole à son secours à la levée du jour sous forme de vagues humaines enfonçant la grille du parlement et remettant son président dans son perchoir. Ce rêve se lit dans sa déclaration faite devant la grille fermée « le peuple défendra la légalité constitutionnelle ».
Le peuple qu’attendait Ghannouchi pour défendre « la légalité constitutionnelle » consistait en quelques dizaines d’adultes, hommes et femmes. Ils ont crié quelques slogans creux avant de se retirer sous les projectiles et les bouteilles d’eau que leur lançait à la tête une jeunesse furieuse.
La scène tumultueuse du matin du 26 juillet devant le parlement est un gros-plan sur l’assèchement de la base populaire d’Ennahdha. Un zoom sur le degré d’impopularité du parti islamiste. Un message pour les Tunisiens et pour l’étranger que la secte et son gourou ne pèsent plus rien sur la scène politique. Qu’ils sont au pied du mur. Que le dernier bastion de l’islam politique que la Tunisie a eu le malheur d’abriter pendant une décennie est tombé. Que les Tunisiens et leur islam modéré, celui de leurs ancêtres respirent de nouveau à pleins poumons.
Le peuple tunisien a été exagérément patient avec la secte. Malgré les dévastations, les ravages et les crimes perpétrés, le peuple n’a pas répondu par la violence. Si la secte est tombée, c’est parce que son gourou et ses lieutenants se sont appliqués à scier la branche sur laquelle ils étaient assis.
Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes et ils sont en train de s’en prendre à eux-mêmes. Pour preuve, selon des indiscrétions, les insultes et les coups échangés pendant les réunions houleuses de ‘Majlis Echchoura.’ La secte est tombée et ses membres sont en train de s’accuser les uns les autres de la responsabilité de leur malheur.
La chute de la secte s’explique par l’arrogance, la cupidité et la fausse dévotion de ses lieutenants. Ils ont fait de l’islam et de la « défense » de Dieu un fonds de commerce extrêmement lucratif.
Jusqu’au dernier moment la cupidité leur collait à la peau. Rappelons-nous ce pauvre Abdelkrim Harouni. Bien que sa secte ait mené le pays à la faillite, il n’hésitait pas à exiger le versement de milliards de compensation avant le… 25 juillet.
Jusqu’au dernier moment, l’arrogance leur collait à la peau. Lotfi Zitoun, qui a tenté une médiation entre Kaïs Saïed et Rached Ghannouchi, a vu sa mission échouer. Car le Gourou, imbu de sa personne, a refusé la main tendue du président. Une information dévoilée par le médiateur sur les ondes de Shems FM.
La secte et son gourou sont tombés parce qu’ils n’ont jamais porté dans leur cœur le pays et son peuple. Parce qu’ils ne se sont jamais considérés comme partie intégrante de cette Nation qu’ils considéraient au fond d’eux-mêmes comme « une poignée de terre pourrie ». Comme le leur a enseigné leur maitre à penser, l’Egyptien Saied Kotb.
Pourtant cette Nation leur a ouvert ses écoles. Elle a permis à leur gourou de faire des études et de devenir un professeur de philosophie. Il s’avéra vite un professeur trop particulier. Un professeur qui a tourné le dos aux grands courants philosophiques d’Occident et d’Orient. Il a préféré empoisonner son esprit et polluer son âme par les idées destructrices de Hassan el Banna et Said Kotb. Des idées qui, après avoir empoisonné la vie des Tunisiens une décennie durant, ont fini par mener le gourou et sa secte à leur perte.
Alors qu’ils sont finis, des voix se lèvent çà et là pour leur porter secours. Tel ce M. Bouderbala, le doyen de l’Ordre des avocats, qui, intervenant sur Shems FM, appelle à un dialogue entre tous les acteurs politiques, « y compris Ennahdha ». Discuter de quoi? Parler de quoi avec une secte qui a mené le pays à la faillite? Qui a détourné ses richesses? Qui a appauvri son peuple? Elle a introduit le terrorisme. Qui a envoyé des milliers de jeunes se faire tuer en Syrie? Qui a abimé notre réputation dans le monde en faisant de notre pays le premier exportateur mondial de terroristes?
Coupables d’un nombre effarant de crimes, dépourvus du moindre soutien populaire, abhorrés par l’écrasante majorité des Tunisiens, le gourou et ses lieutenants sont dans l’état du naufragé qui s’accroche à un fétu de paille. M. Bouderbala devrait avoir des choses bien plus importantes à faire que de servir de fétu de paille à une secte qui a provoqué son malheur et le malheur du pays qui lui a ouvert ses bras.